Débats du Sénat (Hansard)
2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 117
Le mardi 17 février 2015
L'honorable Pierre Claude Nolin, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- Visiteur à la tribune
- Hommages
- Le drapeau canadien
- Le Mois de l'histoire des Noirs
- Le drapeau canadien
- La Constitution canadienne
- Le drapeau canadien
- AFFAIRES COURANTES
- L'étude sur les problèmes et les solutions possibles liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations
- Projet de loi sur la Journée nationale de la sage-femme
- L'Association législative Canada-Chine
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Le Code criminel
- Projet de loi sur la sûreté et la sécurité en matière énergétique
- La Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité
- Le Sénat
- Motion tendant à reconnaître la nécessité de prévoir une sécurité entièrement intégrée dans toute la cité parlementaire et sur le terrain de la Colline du Parlement, et d'inviter la Gendarmerie royale du Canada à diriger la sécurité opérationnelle
- Recours au Règlement—Report de la décision de la présidence
- Visiteurs à la tribune
- La Loi sur le divorce
- Règlement, procédure et droits du Parlement
LE SÉNAT
Le mardi 17 février 2015
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
Les travaux du Sénat
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai reçu un avis du leader de l'opposition qui demande, conformément à l'article 4-3(1) du Règlement, que la période consacrée aux déclarations de sénateurs soit prolongée aujourd'hui pour rendre hommage au regretté sénateur Archibald Johnstone.
Je rappelle que, conformément au Règlement du Sénat, les interventions des sénateurs ne peuvent pas dépasser trois minutes et qu'aucun sénateur ne peut parler plus d'une fois.
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Visiteur à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Katherine Johnson, petite-fille de l'honorable Archibald Johnstone.
Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Hommages
Le décès de l'honorable Archibald Hynd Johnstone
L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Chers collègues, la principale personne à prendre la parole au moment des hommages au sénateur Johnstone devait être la sénatrice Hubley. Or, ces jours-ci, les avions sont cloués au sol à l'Île-du-Prince-Édouard. La sénatrice Hubley ainsi que le sénateur Downe, qui devait également prendre la parole, sont malheureusement gardés captifs par des amoncellements de neige sur l'île natale du sénateur Johnstone.
Toutefois, j'ai en main le texte que la sénatrice Hubley comptait lire. Dans un instant, je vais le lire à sa place, mais auparavant, je veux dire que j'ai eu le privilège de rencontrer le sénateur Johnstone à l'Île-du-Prince-Édouard, quoiqu'il ne siégeait déjà plus au Sénat à l'époque. C'était un homme impossible à oublier. Il n'était déjà plus très jeune, mais il débordait d'énergie. Il était jovial, amical, généreux, attentif, et je me permets d'ajouter qu'il aimait cette assemblée. Pour tout dire, il l'adorait.
Je vais maintenant lire l'hommage que comptait lui rendre la sénatrice Hubley aujourd'hui. Voici ce qu'elle avait à dire.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage à l'honorable Archibald « Archie » Johnstone, qui est décédé le 8 novembre 2014, à l'âge de 90 ans; il s'est éteint paisiblement à son domicile, à Kensington, à l'Île-du-Prince-Édouard. Je tiens à souhaiter la bienvenue à Katherine Johnson, la petite-fille d'Archie, et je la remercie d'être des nôtres aujourd'hui, au Sénat. Archie et moi n'avons pas siégé dans cette enceinte en même temps, mais j'ai eu l'honneur de l'avoir comme ami et comme voisin.
Archie a eu une vie remarquable : en plus d'être un sénateur bien respecté, il était un ancien membre de l'Aviation royale canadienne, un pionnier dans l'industrie touristique et le monde des affaires de l'Île-du-Prince-Édouard et un auteur accompli. Sa carrière fructueuse dans le domaine du tourisme a commencé lorsqu'il s'est associé à son père pour ouvrir Woodleigh Replicas, un parc qui met en vedette des répliques de monuments comme la cathédrale Saint-Paul et le château de Dunvegan. Plus tard, il a ouvert le premier grand parc d'attractions de l'Île-du-Prince-Édouard, l'emblématique Rainbow Valley, ainsi que les Kensington Towers et Water Gardens. Tous ces sites étaient conçus pour permettre aux familles de profiter des attraits de l'Île-du-Prince-Édouard. Tout au long de sa vie, le sénateur Johnstone a eu d'autres réussites commerciales notamment dans les domaines du commerce de gros, de la construction lourde, de la construction de routes et de bateaux. De plus, il a été président de la Fédération de l'agriculture de l'Île-du-Prince-Édouard et directeur de l'Association touristique de l'île.
La plus grande fierté d'Archie a sans doute été sa nomination au Sénat du Canada, en 1998, par le premier ministre Jean Chrétien. Même si je n'étais pas ici à ce moment-là,...
— c'est la sénatrice Hubley qui parle —
... je sais, pour l'avoir entendu dire par bon nombre de mes collègues, qu'il était bien aimé et bien respecté des deux côtés de cette Chambre. Même s'il n'a pas siégé au Sénat pendant longtemps, il a assurément laissé sa marque. On pense surtout à son travail en tant que vice-président du Sous-comité des anciens combattants. Dans le cadre de ses fonctions à ce comité, il a fait équipe avec un compatriote insulaire, le sénateur Orville Phillips, lui-même un ancien combattant. Les deux ont parcouru le pays pour entendre la voix
des délaissés, c'est-à-dire des anciens combattants canadiens institutionnalisés, et pour examiner la qualité de leurs installations et des soins mis à leur disposition.
Même si ces deux sénateurs ne siégeaient pas du même côté, ils ont rédigé ensemble le très influent rapport intitulé Relever la barre : Une nouvelle norme de soins de santé pour les anciens combattants. Environ 95 p. 100 des 68 recommandations qui y étaient formulées ont été mises en œuvre, ce qui a radicalement changé la vie des anciens combattants placés en institution.
Après avoir quitté le Sénat, Archie s'est mis à écrire et, pendant les 10 dernières années de sa vie, il a publié huit livres à compte d'auteur, notamment de la poésie et des ouvrages d'histoire militaire.
Archie manquera énormément à bien des gens, mais surtout à son épouse bien-aimée, Phelicia, qui a été à ses côtés durant 65 ans, à ses enfants, Ronald, Erwin, Elizabeth et Dean, à leurs conjoints, ainsi qu'à ses 10 petits-enfants, ses 5 arrière-petits-enfants, et à ses sœurs, Doris et Elizabeth.
(1410)
La sénatrice Hubley poursuit ainsi :
Katherine, votre grand-père était un homme exceptionnel, et je suis honorée de pouvoir dire qu'il fut mon ami. Nous nous souviendrons longtemps de lui pour son extraordinaire contribution à son milieu et au monde des affaires, mais aussi pour la passion avec laquelle il défendait les intérêts des anciens combattants. Vous avez de quoi être très fière de lui.
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, c'est un honneur pour moi de m'exprimer aujourd'hui au nom des sénateurs de mon parti. J'ai d'ailleurs eu le plaisir de rencontrer Katherine avant la séance d'aujourd'hui.
Même si je ne connaissais pas le sénateur Archibald Johnstone, j'ai pu constater, par les recherches que j'ai faites, qu'il a multiplié les réalisations toute sa vie durant. Je suis honorée de savoir que je succède ici à des gens aussi extraordinaires que le regretté sénateur Archibald Johnstone.
Honorables sénateurs, c'est un honneur pour moi de pouvoir parler du sénateur Johnstone, un héros de la Seconde Guerre mondiale et un véritable pionnier de l'industrie touristique de l'Île-du-Prince-Édouard.
Le 12 juin 1924, à Burlington, à l'Île-du-Prince-Édouard, Jane Montgomery donnait naissance au futur sénateur Johnstone. Cet enfant avait pour père le lieutenant-colonel Ernest Johnstone, qui avait combattu au sein du régiment Prince Edward Island Light Horse durant la Première Guerre mondiale. Suivant les traces de son père, le sénateur Johnstone s'est enrôlé dans l'Aviation royale canadienne, où il a occupé les fonctions de mitrailleur de queue dans l'escadron des bombardiers Wellington and Halifax durant la Seconde Guerre mondiale, en Angleterre.
Le sénateur Johnstone a fréquenté le Collège Prince of Wales, à l'Île-du-Prince-Édouard, l'Ontario Technical College et le Collège d'agriculture de la Nouvelle-Écosse. Il a notamment obtenu une bourse pour aller étudier l'agriculture en Angleterre, et c'est là qu'il serait tombé amoureux des îles britanniques et aurait commencé à s'intéresser au tourisme. De retour chez lui, il a rencontré la femme de sa vie, Phelicia Clark, et convaincu son père, qui s'amusait à ériger des petits châteaux de ciment et de pierre sur la ferme familiale, à se lancer en affaires avec lui. C'est ainsi qu'est née ce qui allait devenir une attraction touristique de premier plan, Woodleigh Replicas, un parc mettant en scène des reproductions miniatures de châteaux et de lieux d'intérêt d'Angleterre et d'Écosse. Le sénateur a aussi été président de la Fédération d'agriculture de l'Île-du-Prince-Édouard et directeur de l'Association touristique de l'île.
Entrepreneur dans l'âme, le sénateur Johnstone a aussi fondé en 1969 Rainbow Valley, le premier parc d'attractions de l'Île-du-Prince-Édouard. De plus, au début des années 1990, le sénateur Johnstone et son fils Ronald ont ouvert les Kensington Towers et Water Gardens, qui se sont ajoutés au grand nombre de magnifiques attractions dont jouissent maintenant les gens à l'Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Johnstone a été nommé sénateur en 1998 par l'ancien premier ministre Jean Chrétien. Il a ensuite consacré sa vie à servir les Canadiens à ce titre. Pendant son mandat, il a été vice-président du Sous-comité des anciens combattants et membre de neuf autres comités sénatoriaux. Même s'il n'a pas siégé au Sénat pendant longtemps, il y a exercé une grande influence.
Dans le cadre de son travail avec le sénateur Orville Phillips, le sénateur Johnstone a visité plus de 70 p. 100 des établissements mis sur pied pour soigner les anciens combattants. Son travail a entraîné la publication du rapport intitulé Relever la barre : Une nouvelle norme de soins de santé pour les anciens combattants. Le rapport renfermait 68 recommandations, dont 95 p. 100 ont été mises en œuvre, et elles ont fini par toucher la vie des anciens combattants des quatre coins du pays.
Après avoir pris sa retraite, le sénateur Johnstone a publié plusieurs livres, dont des mémoires et un livre portant sur la Seconde Guerre mondiale. Il était un véritable pionnier, et un grand nombre de gens le qualifiaient toujours de visionnaire. Il aimait son pays et, ce qui importe encore plus, ses amis et sa famille.
[Français]
Ainsi, le caucus conservateur au Sénat tient à remercier le sénateur Johnstone de son travail et de la contribution qu'il a apportée pour aider à bâtir un pays plus fort pour tous.
Je vous remercie.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
Le drapeau canadien
Le cinquantième anniversaire
L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je suis très fier de prendre la parole aujourd'hui pour souligner le 50e anniversaire de l'adoption de notre drapeau canadien.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Cowan : Aujourd'hui, quel que soit l'endroit sur la planète où l'on voyage, lorsqu'on aperçoit l'unifolié rouge et blanc, on sait qu'il ne peut signifier qu'une seule chose, à savoir le Canada. Notre drapeau nous unit et nous rappelle tout ce que nous partageons, même quand nous sommes divisés. Notre drapeau symbolise tout ce que notre nation a accompli dans le monde.
Il est toujours tentant de juger l'histoire d'hier avec les yeux d'aujourd'hui, de considérer les événements comme l'aboutissement inévitable de ce qui s'est produit auparavant. Cependant, en réalité, l'histoire est le résultat d'une série de décisions soit judicieuses, soit insensées. Il y a 50 ans, l'adoption de notre drapeau était loin d'être évidente.
En 1964, le premier ministre Lester B. Pearson était à la tête d'un gouvernement minoritaire. Cela ne l'empêchait pas d'être incroyablement ambitieux. Les ministres travaillaient fort pour mettre au point le Régime de pensions du Canada et le régime d'assurance-maladie, et une commission novatrice — la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme — venait d'être créée. Même certains des plus proches conseillers de Pearson étaient d'avis qu'il avait assez de pain sur la planche. Ils croyaient que, d'un point de vue tactique, l'adoption d'un nouveau drapeau pourrait être la plus grave erreur que Pearson puisse commettre, et ils tentèrent de le dissuader de prendre cette initiative.
Cependant, M. Pearson avait compris que le centenaire du Canada, qui aurait lieu dans quelques années, représentait une nouvelle étape pour notre pays, et que les Canadiens, qui étaient d'origines très diverses, avaient besoin d'un drapeau qui les unirait au lieu de les diviser — un drapeau pour l'avenir du Canada.
Je le cite :
Je crois très sincèrement que le temps est venu pour les Canadiens de déployer un drapeau véritablement distinctif et à caractère véritablement national; un drapeau aussi canadien que la feuille d'érable, laquelle devrait être son motif principal, et que l'on reconnaîtra facilement comme celui du Canada; un drapeau qui ne saurait être confondu avec l'emblème d'aucun autre pays; un drapeau de l'avenir qui honore aussi le passé; un drapeau qui soit celui du Canada et uniquement le sien.
Le premier ministre Pearson était un homme courageux. Il a prononcé ce discours au congrès annuel de la Légion royale canadienne devant un auditoire qui n'était pas du tout en faveur d'un nouveau drapeau. Il s'agissait d'anciens combattants qui s'étaient battus lors de deux guerres mondiales pour défendre le Red Ensign, le même drapeau qu'on parlait maintenant de remplacer. Cependant, Pearson était lui-même un ancien combattant.
John Matheson, un député qui accompagnait Pearson à la Légion, ce soir-là, a déclaré ceci par la suite :
Je crois qu'il aurait eu des remords s'il ne s'était pas exprimé là-dessus dans ce forum, un forum d'honneur à ses yeux, le meilleur et le plus noble des forums du Canada. Il ne s'attendait pas à ce qu'on l'appuie. Il savait que nous risquions d'être pris à partie. Mais il ne s'en souciait guère. Ce soir-là, cet homme s'est comporté davantage comme un ancien combattant que comme un politicien.
C'est ainsi que prit naissance le mouvement pour adopter le nouveau drapeau canadien, mais nous étions encore loin du but. Le chef de l'opposition officielle à l'époque, John Diefenbaker, s'opposa vivement à l'adoption d'un nouveau drapeau. Le débat dura des mois à la Chambre des communes. Il y eut 270 discours. Je sais que ce fut probablement frustrant, voire douloureux, mais quand je pense à ce débat, j'en suis fier. Les adversaires tenaient ferme au point de vue qu'ils exprimaient. Diverses propositions furent faites et débattues. Lorsque vint le moment du vote, à 2 h 15 du matin, le 15 décembre 1964, la décision fut claire. Le nouveau drapeau fut adopté avec une importante majorité de 163 voix contre 78.
Chers collègues, le Canada a pris de la maturité comme pays depuis 1965, et le monde a changé en 50 ans. Les Canadiens ne sont pas réputés pour leurs démonstrations spectaculaires de patriotisme, mais plusieurs d'entre nous voyagent à l'étranger avec des valises marquées du sceau de la feuille d'érable, pour exprimer bien clairement leur fierté d'être Canadiens. Les Canadiens s'inscrivent en grand nombre sur la liste d'attente pour recevoir un drapeau ayant flotté au-dessus de la Tour de la Paix. En fait, l'attente est de 42 ans pour recevoir l'un de ces drapeaux.
Grâce à sa vision, à sa détermination et à ses qualités de chef de file, le premier ministre Pearson nous a fait don d'un symbole qui, aujourd'hui, transcende les gouvernements et les premiers ministres, qui transcende la politique ou les orientations sur l'échiquier politique et qui transcende même l'histoire. Franchement, la feuille d'érable est aujourd'hui l'image du Canada aux yeux du monde et à nos propres yeux.
Le premier ministre Harper est d'accord. Il dit ceci :
Le drapeau du Canada symbolise les valeurs de paix, de démocratie, de liberté et de justice qui nous définissent et nous unissent comme Canadiens. Il constitue un point de ralliement commun durant les grands moments de l'histoire de notre pays, et il témoigne de notre ingéniosité et de nos réalisations ici comme sur la scène internationale.
Je termine avec les paroles que le premier ministre Pearson a prononcées le 15 février 1965, lorsque le drapeau canadien, alors nouvellement adopté, a été hissé pour la première fois.
(1420)
Il a dit ceci :
Puisse la nation sur laquelle flotte ce nouveau drapeau demeurer unie dans la liberté et la justice; un pays aux habitants pieux et honnêtes; justes et généreux dans toutes leurs entreprises; sensibles aux besoins de tous, tolérants et compatissants; travailleurs, énergiques, résolus; sages et équitables, garantissant la sécurité et des chances égales à toutes ses cultures; forts de leur adhérence aux principes moraux qui sont le seul guide sûr vers la grandeur.
Et il a conclu sur ces paroles : Que Dieu bénisse notre drapeau! Et que Dieu bénisse le Canada!
Le Mois de l'histoire des Noirs
L'honorable Don Meredith : Honorables sénateurs, vingt ans après ce jour de grande fierté, en 1995, où le Parlement du Canada a proclamé à l'unanimité le mois de février Mois de l'histoire des Noirs, à la suite de la proposition de la députée Jean Augustine, et sept ans après que le Sénat du Canada a emboîté le pas en adoptant à l'unanimité en 2008 la motion de notre ancien collègue, le sénateur Oliver, je suis fier de prendre la parole à mon quatrième anniversaire en tant que quatrième Canadien d'origine africaine à siéger dans cette enceinte pour rendre hommage aux hommes et aux femmes d'origine africaine qui ont contribué à façonner le tissu social, culturel et économique du Canada.
Je suis également fier que le ministre Jason Kenney m'ait demandé de participer au lancement national du Mois de l'histoire des Noirs qui s'est déroulé le dimanche 1er février — il m'a blâmé pour la défaite des Seahawks — au St. Lawrence Hall, un lieu historique important où des rencontres d'abolitionnistes ont eu lieu à l'époque du chemin de fer clandestin.
Le Mois de l'histoire des Noirs est une occasion pour nous tous de reconnaître les contributions passées et présentes des Canadiens d'origine africaine dans les domaines de l'éducation, de la médecine, des arts, de la culture, des services publics, du développement économique, de la politique, des droits de la personne et des sports.
Alors que Toronto se prépare en vue d'accueillir les Jeux panaméricains de 2015 cet été, le pays célébrera l'Année du sport, qui est également une occasion de reconnaître les accomplissements des athlètes de race noire au pays.
Citons notamment le grand hockeyeur Willie O'Ree, le premier joueur noir de l'histoire de la LNH, qui a également reçu l'Ordre du Canada — j'ai entendu quelqu'un dire « amen » là-bas —, Ferguson Jenkins, un joueur de baseball qui a été intronisé au Temple de la renommée, et John Armstrong Howard, une vedette de l'athlétisme qui a été le premier athlète olympique noir à représenter le Canada aux Jeux d'été de 1912.
Mentionnons également la contribution de Canadiens remarquables comme Lawrence Hill, l'auteur canadien d'un roman à succès, The Book of Negroes, que plusieurs d'entre vous ont eu le privilège de rencontrer il y a quelques semaines lorsque les membres de la distribution et de l'équipe de tournage de l'adaptation télévisuelle du livre ont visité le Parlement et le Sénat.
Les Noirs, en tant qu'esclaves et en tant qu'hommes et femmes libres, ont grandement contribué à améliorer le Canada. Ils ont contribué en tant que soldats et ouvriers dans les premiers temps de la Nouvelle-Écosse et en tant que pêcheurs et domestiques à l'époque de la Nouvelle-France.
Il y a de nombreuses histoires de champions, dont celle de l'honorable Lincoln Alexander, le premier député noir, qui est décédé récemment.
J'étais très fier le 9 décembre dernier lorsque mon projet de loi d'initiative parlementaire a reçu la sanction royale dans cette enceinte, projet de loi qui visait à désigner le 21 janvier de chaque année comme étant la Journée Lincoln Alexander partout dans notre magnifique pays. Je tiens à remercier tous les sénateurs de leur appui à cet important projet de loi. C'est une journée que nous pourrons tous célébrer pendant des générations à venir.
Le Mois de l'histoire des Noirs est également une excellente occasion d'inculquer aux jeunes un sentiment de fierté et d'appartenance en leur présentant une histoire plus complète du Canada. C'est une histoire marquée par des défis, des sacrifices, des libérations et des succès. Nos jeunes ne sont pas qu'un pourcentage de notre population. Ils représentent 100 p. 100 de notre avenir.
Honorables sénateurs, profitons de l'occasion pour raconter une version plus complète de l'histoire du Canada. Nous devons toujours rester vigilants en faisant connaître nos contributions, ainsi que donner l'exemple à nos jeunes, les appuyer et les guider. Après tout, le Mois de l'histoire des Noirs représente tout simplement l'histoire du Canada.
Le drapeau canadien
Le cinquantième anniversaire
L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, je tiens aujourd'hui à rendre hommage au drapeau national du Canada alors que nous fêtons son 50e anniversaire.
Le 15 février 1965, jour de l'inauguration du drapeau canadien, se trouvait dans la foule massée sur la Colline du Parlement, à seulement quelques pieds de l'estrade officielle, un certain Art Eggleton. Ce jeune homme de 21 ans assistait à cet événement historique en tant qu'invité de James Walker, alors député de York-Centre. J'étais loin de me douter que, 28 ans plus tard, j'allais devenir député de cette circonscription, succédant ainsi à Bob Kaplan, qui, lui-même, avait succédé à James Walker.
Je m'étais rendu sur la Colline du Parlement ce jour-là parce que j'étais fortement en faveur de l'adoption d'un symbole typiquement canadien qui ornerait notre drapeau national. Rien ne représente mieux notre pays que la feuille d'érable. En effet, cet emblème représente tous les Canadiens, peu importe leurs origines.
De nombreux symboles témoignent de notre histoire, et ils devraient tous être reconnus à leur juste valeur, mais la feuille d'érable est le symbole unificateur par excellence, qui représente le mieux ce que nous sommes devenus et qui nous identifie le mieux dans le reste du monde, aujourd'hui comme demain.
Le drapeau national de plusieurs pays compte des barres verticales ou horizontales, mais rien n'est aussi distinctement canadien que l'unifolié.
Pour moi, le drapeau canadien représente les valeurs que chérit notre société. Il témoigne, comme le dit notre hymne national, de notre histoire, qui est une épopée des plus brillants exploits. Je souhaite que notre unifolié flotte encore longtemps au pays et dans le monde entier.
La Constitution canadienne
L'accord de rapatriement
L'honorable Norman E. Doyle : Honorables sénateurs, les sénateurs de Terre-Neuve ont reçu une copie d'une lettre que Brian Peckford, ancien premier ministre, a envoyée à notre Président, dans laquelle il attire notre attention sur un article publié dans l'édition de vendredi de l'Ottawa Citizen, intitulé « Senators arrange to recreate the site of the 1981 `Kitchen Accord' », selon lequel les sénateurs vont recréer les lieux de l'« accord de la cuisine » de 1981. M. Peckford explique que, lorsque le Sénat aura déménagé dans les locaux de l'ancien Centre national des conférences, tel que proposé, l'« accord de la cuisine » y sera exposé. Cela choque l'ancien premier ministre. Il a l'impression que « nous nous lancerons dans un projet qui tente de valider un mythe constitutionnel ».
L'article de l'Ottawa Citizen fait référence à l'entente constitutionnelle de 1981 qui est à l'origine du rapatriement de notre Constitution de la Grande-Bretagne. L'histoire rapporte que c'est la délégation terre-neuvienne de M. Peckford qui a présenté la proposition ayant finalement mené à la conclusion de l'entente lors de la conférence constitutionnelle des premiers ministres en novembre 1981. Toutefois, une autre histoire concernant la genèse de l'entente a commencé à circuler dans le temps de le dire. L'entente aurait été rédigée dans la cuisine d'un hôtel par trois procureurs généraux du Canada : celui de l'Ontario, Roy McMurtry, celui de la Saskatchewan, Roy Romanow, et celui du Canada, Jean Chrétien.
En tant que secrétaire parlementaire du premier ministre Peckford à l'époque, je me souviens très bien de cet incident. Je me rappelle à quel point nous étions fiers que notre premier ministre ait joué un rôle si prépondérant. Nous avons été étonnés de voir que les médias nationaux avaient réduit le rôle du premier ministre à celui de messager, nous attribuant le mérite d'avoir livré le document, mais minimisant délibérément le rôle clé que nous avions joué dans l'élaboration de l'entente.
L'article de l'Ottawa Citizen est accompagné d'une photo des trois procureurs généraux de l'époque de l'entente constitutionnelle de 1981, réunis dans la cuisine de McMurtry, mais la photo a été prise deux ans après les faits. Les trois hommes faisaient une reconstitution pour les journalistes parce qu'ils n'avaient pas d'appareil photo à portée de main lorsqu'ils ont soi-disant réinventé le pays. Ils n'avaient peut-être pas de photos originales, mais l'ancien premier ministre possède plusieurs des documents officiels originaux. Dans un livre publié récemment racontant sa vie politique, il a expliqué en détail son rôle dans le processus constitutionnel.
Dans la lettre qu'il vous a récemment adressée, monsieur le Président, il a fait un bref résumé, et je cite :
En termes simples, l'entente relative au rapatriement découle des réunions que nous avons tenues la fameuse nuit du 4 novembre 1981 dans la salle Saskatchewan du Château Laurier et auxquelles ont d'abord participé les provinces de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de la Saskatchewan et de Terre-Neuve. On y a discuté d'une proposition écrite de Terre-Neuve et, comme elle semblait avoir du mérite et pouvoir être acceptée, d'autres provinces ont été invitées à se joindre aux discussions, dont l'Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse et le Manitoba, avec laquelle on a communiqué par téléphone. On a ensuite conclu une entente fondée sur la proposition de Terre-Neuve et convenu de la présenter au groupe des huit premiers ministres à l'occasion d'un petit-déjeuner réunion déjà prévu le matin suivant.
Après sa présentation au petit-déjeuner, il a été décidé que Terre-Neuve présenterait cette proposition à la plénière plus tard en journée, ce qui fut fait. La proposition a jeté les bases de l'accord constitutionnel qui a été conclu l'après-midi même.
La lettre du premier ministre Peckford montre clairement que ces discussions n'ont pas pu être menées par les trois procureurs généraux autour de l'accord de la cuisine, donc je vois mal comment ils pourraient s'attribuer le mérite du résultat.
(1430)
L'article de l'Ottawa Citizen dit que l'histoire de l'accord de la cuisine est l'un des récits les plus pittoresques des efforts musclés de rapatriement de la Constitution, et affirme que la cuisine en question est le lieu où les trois procureurs généraux auraient élaboré un compromis qui a sauvé de très vifs pourparlers constitutionnels. Rien de cela n'est vrai, bien évidemment.
Peut-être devrions-nous procéder au second examen objectif qui nous caractérise avant de bâtir un temple à la mémoire d'un événement qui n'a jamais eu lieu.
Le drapeau canadien
Le cinquantième anniversaire
L'honorable David P. Smith : Je n'avais pas l'intention d'intervenir aujourd'hui, mais les paroles du sénateur Cowan m'ont incité à dire quelques mots. J'étais là, moi aussi, le jour où le drapeau a été hissé pour la première fois.
J'ai assisté à cet événement. Je n'étais pas assis à côté d'Arthur Eggleton, mais j'étais à la Chambre des communes ce soir d'automne de 1964 lorsque cette initiative a été adoptée. C'était palpitant.
J'étais alors directeur national de l'aile jeunesse du Parti libéral, le bras droit de Keith Davey au siège du parti. Je parcourais le pays au complet tous les mois, et M. Davey me faisait régulièrement assister à des réunions clés avec M. Pearson. M. Pearson a laissé sa marque dans l'histoire de notre pays de nombreuses façons. Je pourrais en parler en détail, mais je me contenterai de dire que le drapeau est l'un des legs qu'il a laissés.
M. Pearson s'est montré gracieux au sujet du drapeau, car, comme le savent ceux qui ont étudié la question, le modèle qui a été choisi n'était pas son premier choix. Il préférait le motif comportant trois feuilles d'érable entre deux bordures latérales bleues. Beaucoup de gens, notamment au NPD, tenaient absolument à ce que le drapeau soit bicolore, et M. Pearson y a consenti.
Je me souviens également de M. Diefenbaker, que j'ai appris à connaître, parce qu'il était convaincu que nous étions parents et qu'il essayait sans cesse de me le prouver. Lorsque le drapeau a été hissé pour la première fois, c'était tellement difficile pour lui qu'il a détourné le regard. Il ne voulait pas le regarder. Il était contrarié, parce que l'Union Jack n'y figurait pas. Est-ce qu'un drapeau est le drapeau d'un pays si le drapeau d'un autre pays y figure? Je ne le crois pas. Cette manière de penser datait d'une autre époque. De plus, au Québec, une telle chose aurait évidemment été impossible.
Il m'arrive souvent de voyager, ici et à l'étranger. Chaque fois que je suis à l'étranger et que je visite une ambassade ou la maison d'un ambassadeur et que je vois le drapeau du Canada flotter, cela me fait chaud au cœur. Il m'arrive même d'avoir les larmes aux yeux, parce que j'ai un petit faible pour ce drapeau. Cette époque a été absolument fascinante, et le drapeau fait partie de l'héritage impressionnant que nous a laissé M. Pearson. Il n'a jamais eu de gouvernement majoritaire, ce qui ne l'a pas empêché de laisser un plus grand héritage que d'autres premiers ministres qui en ont eu un. Je tenais à rendre hommage à M. Pearson aujourd'hui. Merci.
AFFAIRES COURANTES
L'étude sur les problèmes et les solutions possibles liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations
Dépôt du huitième rapport du Comité des peuples autochtones
L'honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le huitième rapport provisoire du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, intitulé La situation du logement dans les Premières Nations : Défis et réussites.
(Sur la motion du sénateur Patterson, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
Projet de loi sur la Journée nationale de la sage-femme
Première lecture
Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-608, Loi sur la Journée nationale de la sage-femme, accompagné d'un message.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Martin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)
L'Association législative Canada-Chine
La visite annuelle des coprésidents en Chine, du 30 août au 6 septembre 2014—Dépôt du rapport
L'honorable Victor Oh : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne concernant sa participation à la visite annuelle des coprésidents en Chine, plus précisément à Pékin, à Shanghai, à Wuxi et à Nanjing, du 30 août au 6 septembre 2014.
PÉRIODE DES QUESTIONS
L'emploi et le développement social
L'emploi
L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Selon le Congrès du travail du Canada, le nombre de Canadiens officiellement au chômage au pays s'élevait à 1 270 000 à la fin de 2014. Nous ne savons pas combien de personnes ont quitté le marché du travail.
M. Yussuff, président du Congrès du travail du Canada, a déclaré ceci :
Le laissez-faire du gouvernement en 2014 explique maintenant le retard que nous accusons face à la reprise [de l'économie] et de l'emploi aux États-Unis, ce qui démontre une fois de plus que le Canada doit avoir une nouvelle approche pour favoriser la croissance de l'emploi. Le gouvernement doit tout simplement changer ses priorités.
Ce mois-ci, l'enquête sur la population active montre encore une fois que le gouvernement nous induit en erreur quand il parle d'une pleine reprise économique. Pendant des années, on nous a dit qu'un million d'emplois avaient été créés. En vérité, la proportion de Canadiens occupant un emploi est moins grande maintenant qu'avant la récession. Certains, découragés, ont abandonné leur recherche d'emploi, comme les 15 000 jeunes qui ont quitté le marché du travail le mois dernier.
En janvier, il y a eu un gain net de 35 000 emplois, mais c'est parce qu'on a dénombré 47 000 emplois à temps partiel de plus. Cette donnée a donc dissimulé la triste réalité, soit que nous avons perdu 10 000 emplois à plein temps.
Monsieur le leader, étant donné que 1 270 000 Canadiens sont toujours sans emploi et que plusieurs d'entre eux ont quitté la population active, qu'est-ce que le gouvernement entend faire pour améliorer la situation et rectifier les faits en ce qui concerne le plan d'action?
[Français]
L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Merci, sénatrice, pour votre question. Vous comprendrez que ce qu'il faut faire, surtout, c'est ne pas changer d'orientation. Il faut continuer de créer des emplois et d'aider les familles à joindre les deux bouts en réduisant les impôts, en protégeant les emplois et en créant de nouveaux emplois, comme nous le faisons. Vous l'avez dit, depuis son entrée en fonction, notre gouvernement a été l'un des pays du G7 qui a créé le plus d'emplois.
(1440)
En fait, toutes proportions gardées, nous avons créé près de 20 p. 100 d'emplois de plus que notre plus proche concurrent. Comme vous l'avez noté, depuis le creux de la récession, près de 1,2 million de nouveaux emplois nets ont été créés, et ce sont surtout des emplois à temps plein, des emplois dans le secteur privé et à rémunération élevée. En outre, comme vous le savez tous, le Canada n'est pas à l'abri des difficultés économiques qui surviennent à l'extérieur de ses frontières. C'est pourquoi nous ne devons pas perdre de vue notre cible en matière de création d'emplois et de croissance économique. Nous sommes fiers, d'ailleurs, de notre plan de réduction des impôts et de l'augmentation des prestations, y compris la Prestation universelle pour la garde d'enfants, que nous avons bonifiée et qui aidera directement les familles. Celles-ci réinvestiront ensuite leur argent dans l'économie canadienne en le dépensant selon leurs priorités, et non selon celles des bureaucrates. Nous allons continuer à nous concentrer sur la création d'emplois et la promotion de l'économie, et à faire confiance au meilleur leader dans ces domaines, soit le premier ministre actuel. Contrairement à votre ami, Justin Trudeau, il n'est pas de l'opinion que les budgets s'équilibrent d'eux-mêmes.
La sénatrice Hervieux-Payette : Maintenant, je sais qu'on s'occupe des garderies, et cetera. Pour ma part, je faisais référence aux emplois. Au Québec, nous sommes très conscients que les garderies aident à la création d'emplois. Ces emplois n'ont pas été créés grâce au plan d'action du gouvernement fédéral, mais par la province de Québec. J'aimerais surtout rappeler à mes collègues de l'Alberta un mythe que j'entends souvent raconter par mes amis qui habitent dans l'Ouest. Ils pensent qu'ils paient le programme de garderie du Québec de même que plusieurs autres mesures sociales. Au Québec, on paie 20 p. 100 de plus d'impôts que dans les autres provinces. Quand on paie plus d'impôts, on reçoit plus de services, et c'est un choix. Il faut se rendre compte que le gouvernement fédéral n'envoie pas un chèque à nos garderies. Le premier ministre Couillard est en train d'examiner ce programme, qui favorise le retour des femmes au travail. Il est bon de savoir, à un moment donné, qu'il y a création d'emplois. Monsieur le leader du gouvernement au Sénat, vous dites que ce sont des millions d'emplois qui ont été créés depuis 2008, mais vous n'avez même pas remplacé les emplois qui ont été perdus.
Ma question est donc la suivante : quelles mesures allez-vous prendre pour faire de la vraie création d'emplois? Aux États-Unis, depuis un certain nombre d'années, de nouveaux emplois ont été créés, les gens sont retournés sur le marché du travail et l'économie est en marche. Cependant, ici, nous sommes gelés, pas seulement à Terre-Neuve-et-Labrador et dans les Maritimes, mais, dans son ensemble, l'économie canadienne n'avance pas à une vitesse phénoménale. Compte tenu de ce qui se passe dans le domaine énergétique — puisque vous n'avez pas investi dans d'autres secteurs —, dites-moi où vous comptez créer ces nouveaux emplois. De vrais nouveaux emplois.
Le sénateur Carignan : Je trouve qu'il est triste d'entendre la sénatrice Hervieux-Payette dire que nous n'avons pas investi dans d'autres secteurs. Pourtant, ici même en cette Chambre, elle a félicité notre gouvernement pour les investissements qu'il a consentis dans le secteur aéronautique, et plus particulièrement dans le domaine de la recherche-développement où des centaines de millions de dollars ont été annoncés. Ainsi, nous allons continuer comme nous le faisons actuellement, c'est-à-dire faire progresser l'économie, prendre des mesures qui vont favoriser la création d'emplois et faire du Canada un leader dans ce domaine, au sein des pays du G7 et dans le monde.
La sénatrice Hervieux-Payette : À quelques mois d'un nouveau budget, il y aura peut-être lieu d'examiner le budget du Conseil national de recherches. La fin de semaine dernière, j'écoutais une émission où des chercheurs se disaient très inquiets, parce que les sommes investies dans la recherche fondamentale feront défaut pour promouvoir la recherche appliquée. Si vous ne pouvez développer un concept, vous ne pourrez pas non plus faire fleurir une industrie de cet investissement. Avez-vous l'intention d'augmenter les budgets consacrés à la recherche-développement et de créer, par le fait même, un climat favorable à la création d'emplois? Ce n'est pas le gouvernement qui crée des emplois, ce sont les entreprises privées qui créent des emplois.
Le sénateur Carignan : C'est la raison pour laquelle il faut continuer à soutenir l'entreprise privée comme nous le faisons. En ce qui concerne la recherche-développement, nous avons investi, dans le cadre de notre dernier plan d'action économique, des sommes considérables en haussant le financement accordé aux conseils subventionnaires, qui est le plus élevé des 10 dernières années. Nous avons créé le Fonds d'innovation sociale afin d'examiner les problèmes sociaux les plus importants au Canada. Nous avons investi des fonds substantiels dans le laboratoire de physique TRIUMF pour encourager la recherche de pointe en appuyant l'Institut de l'informatique quantique. Nous avons soutenu 3 000 stages étudiants rémunérés dans les métiers, les sciences, la technologie, le génie et les mathématiques. Nous avons créé le fonds Apogée Canada pour l'excellence en recherche, l'un des investissements fédéraux les plus importants de l'histoire de la recherche postsecondaire au Canada.
Sénatrice Hervieux-Payette, j'ai le regret de vous dire que vous avez voté contre ces mesures. Donc, aujourd'hui, vous réclamez plus d'investissements en recherche, alors que, par le passé, vous aviez voté contre des budgets consacrés à la recherche. J'avoue que j'ai de la difficulté à vous suivre.
La sénatrice Hervieux-Payette : Je crois que vous arrondissez un peu les coins, monsieur le leader, lorsque vous dites que j'ai voté spécifiquement contre des budgets de recherche. J'ai voté contre des budgets qui n'étaient pas en réalité des budgets et qui contenaient des dispositions tous azimuts dans tous les secteurs de notre économie, avec lesquelles je n'étais pas d'accord. Si vous décidiez demain de présenter un budget en bonne et due forme et de permettre à nos comités de les étudier et de les améliorer — parce que ce n'est pas arrivé souvent depuis que vous êtes au gouvernement —, et je parle d'investissements dans la recherche ou même dans le développement...
Récemment, votre premier ministre a confirmé qu'il n'avait pas l'intention d'investir dans la Caisse de dépôt pour remettre dans la bonne voie toutes les infrastructures du Québec. J'aimerais obtenir des explications. Pourquoi cet élément de création d'emplois? Vous, qui êtes du Québec, ne supportez pas le fait que notre fonds de pension au Québec puisse servir au développement économique et, évidemment, à la création d'emplois.
Le sénateur Carignan : Comme vous le savez, sénatrice Hervieux-Payette, en matière d'infrastructure, les provinces et les municipalités n'ont jamais eu un meilleur partenaire fédéral que notre gouvernement. Le Nouveau Plan Chantiers Canada, doté d'une enveloppe de 53 milliards de dollars sur 10 ans, a été mis en œuvre. Plusieurs projets ont été annoncés, et nous travaillons avec nos partenaires provinciaux et territoriaux en fonction de leurs priorités.
À la fin de l'année dernière, le premier ministre a annoncé de nouveaux investissements en faveur des infrastructures fédérales. Le gouvernement investira dans l'infrastructure partout au Canada dans des domaines comme le patrimoine, l'éducation des Premières Nations, la défense nationale, les frontières, les installations de recherche, les ports, les transports et la recherche et sauvetage. Ainsi, je pense que, compte tenu du bilan des gouvernements libéraux qui se sont succédé et qui ont laissé dépérir nos infrastructures, et qui ont ensuite transféré les charges en réduisant les transferts aux provinces qui, elles, ont été obligées de couper dans leurs infrastructures provinciales, vous n'avez pas de leçon à nous donner.
[Traduction]
Les travaux du Sénat
Questions inscrites au Feuilleton—Demande de réponses
L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : J'aimerais poser une question à mon ami, le sénateur Carignan. En consultant le Feuilleton et Feuilleton des préavis, j'ai remarqué que trois questions écrites ont été présentées par la sénatrice Callbeck le 17 octobre 2013. La première, la question no 3, porte sur des modifications à la Loi sur l'assurance-emploi. La deuxième, la question no 4, porte sur des modifications au projet pilote Travail pendant une période de prestations. Quant à la troisième, la question no 5, elle porte sur le transfert de certains fonds du Trésor aux fins de la littératie financière. Cela fait maintenant 16 mois que ces questions ont été posées, et aucune réponse n'a encore été fournie.
Tandis que j'ai la parole, j'aimerais signaler, au nom de la sénatrice Chaput, qu'il y aura bientôt 16 mois qu'elle a posé une question sur les langues officielles. Plus précisément, elle a posé cette question le 29 octobre 2013.
Je me demande si mon collègue pourrait me dire quand nous pouvons nous attendre à obtenir des réponses à ces questions posées par les sénatrices Callbeck et Chaput, questions qui sont en suspens depuis longtemps.
(1450)
[Français]
L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je vais vérifier où en sont les choses. De mémoire, j'avais demandé qu'on réponde à la plupart des questions posées par la sénatrice Callbeck avant son départ, justement pour lui permettre d'obtenir les réponses avant qu'elle ne quitte le Sénat. Toutefois, il est possible que des réponses soient en attente. Je vais donc faire le suivi de ce dossier et vous présenter une réponse sous peu.
[Traduction]
ORDRE DU JOUR
Le Code criminel
Projet de loi modificatif—Message des Communes
Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi S-221, Loi modifiant le Code criminel (voies de fait contre un conducteur de véhicule de transport en commun), accompagné d'un message informant le Sénat qu'elle a adopté le projet de loi sans amendements.
Projet de loi sur la sûreté et la sécurité en matière énergétique
Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat
L'honorable Scott Tannas propose que le projet de loi C-22, Loi concernant les opérations pétrolières au Canada, édictant la Loi sur la responsabilité et l'indemnisation en matière nucléaire, abrogeant la Loi sur la responsabilité nucléaire et modifiant d'autres lois en conséquence, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, j'interviens une fois de plus au sujet du projet de loi C-22, Loi sur la sûreté et la sécurité en matière énergétique.
Le projet de loi améliorera la sûreté et la sécurité des secteurs extracôtier et nucléaire du Canada par l'application de normes de sécurité de calibre mondial. En 2012, les secteurs de l'énergie, des mines, des métaux et de la foresterie représentaient, directement et indirectement, le cinquième du PIB nominal et environ 1,8 million d'emplois au Canada. Ensemble, ils comptent pour plus de la moitié de nos exportations et ils génèrent 30 milliards de dollars en revenus pour l'État, contribuant ainsi à financer les programmes sociaux essentiels. De surcroît, les ressources naturelles devraient à l'avenir jouer un rôle encore plus important.
Les perspectives de croissance sont actuellement sans précédent. Nous savons que plusieurs centaines de projets d'exploitation d'envergure d'une valeur combinée de 650 milliards de dollars sont en cours d'exécution ou sont prévus d'ici 10 ans.
D'un océan à l'autre, les débouchés sont exceptionnels. Pensons par exemple au pétrole et au gaz de l'Alberta, aux ressources forestières et au gaz naturel liquéfié de la Colombie-Britannique, aux projets énergétiques extracôtiers de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador ou encore aux nouveaux gisements minéraux et métallifères du Nord du Québec et du Cercle de feu, en Ontario. Le gouvernement est résolu à valoriser ces ressources de manière responsable pour le plus grand bien de l'environnement ainsi que de la santé et de la sécurité des Canadiens. L'adoption du projet de loi C-22 réaffirmera cet engagement en instaurant des mesures qui assureront la sûreté et la sécurité des secteurs énergétiques extracôtier et nucléaire au Canada.
Le texte législatif consacre le principe du pollueur-payeur et protège les contribuables en rendant l'exploitant responsable de tout accident qui risque de survenir. Les mesures prévues garantiront aux Canadiens le maintien d'un régime de niveau international qui soit responsable, souple et transparent, et qui soit propice à la prévention des accidents.
Je ne veux pas me perdre dans les détails du projet de loi, mais je vais dire un mot de la modification des seuils de responsabilité. Commençons par les modifications du régime des exploitations extracôtières.
À l'heure actuelle, la limite de responsabilité absolue, pour les incidents en mer, est de 30 millions de dollars dans l'Atlantique et de 40 millions de dollars dans l'Arctique. Le projet de loi à l'étude porte la limite de responsabilité absolue à 1 milliard de dollars dans un cas comme dans l'autre. Les entreprises doivent également faire la preuve qu'elles ont une capacité financière d'au moins 1 milliard de dollars, au cas où les dommages atteindraient ce niveau.
Le projet de loi C-22 dispose que, en cas d'incident, l'exploitant est responsable des actes des entrepreneurs. Il va sans dire que la responsabilité illimitée est maintenue pour les exploitants fautifs ou dont la négligence provoque un déversement en mer ou y contribue. En portant la limite de responsabilité à 1 milliard de dollars, le Canada se donne un régime comparable à ceux de la Norvège, du Danemark, des États-Unis et du Royaume-Uni.
Le projet de loi C-22 modifie également les limites de responsabilité dans le secteur nucléaire. En effet, aux termes du projet de loi, la limite de responsabilité absolue de l'exploitant passe des 75 millions de dollars prévus dans la Loi sur la responsabilité nucléaire à 1 milliard de dollars. Tous les honorables sénateurs conviendront que l'actuelle limite de 75 millions de dollars est tout à fait inacceptable.
La nouvelle limite de responsabilité de 1 milliard de dollars sera parmi les plus élevées au monde. Ainsi, le Royaume-Uni, la France, l'Espagne et d'autres pays européens sont en train de mettre en place une limite de 900 millions de dollars pour la responsabilité de l'exploitant. On s'efforce ainsi de concilier la nécessité d'assurer une indemnisation équitable lorsque la responsabilité civile est engagée et celle d'éviter d'imposer aux exploitants les coûts élevés de montants d'assurance peu réalistes, pour des faits hautement improbables.
C'est en partie grâce à l'énergie nucléaire que le Canada peut se vanter du fait que 77 p. 100 de sa production d'électricité n'émet pas de gaz à effet de serre. Honorables sénateurs, cela place le Canada au premier rang parmi les pays du G7. Outre cette donnée impressionnante, le secteur de la production nucléaire d'électricité rapporte des revenus de quelque 5 milliards de dollars par année et fournit 17 000 emplois directs. De plus, l'exploitation des mines d'uranium permet de réaliser des exportations de plus de 1 milliard de dollars par année et assure 5 000 emplois directs. Notre secteur nucléaire est un actif important pour notre pays, et il vaut la peine de le protéger.
Le projet de loi C-22, s'il est adopté, apportera des mesures nouvelles et plus vigoureuses pour prévenir les incidents dans les secteurs des hydrocarbures extracôtiers et du nucléaire. Et si, contre toute probabilité, un incident se produit, les mesures prévues dans le projet de loi feront en sorte que la réaction soit à la fois rapide et efficace.
Honorables sénateurs, je suis fermement convaincu que le projet de loi à l'étude renforce la sécurité dans le secteur de l'exploitation des ressources et de l'énergie. Il fera en sorte que le Canada conserve une réglementation de la sécurité de niveau international et il le mettra en bonne posture pour mieux tirer parti des occasions que l'exploitation des ressources peut offrir. Le gouvernement a montré clairement qu'il était en faveur de normes de sécurité plus exigeantes, et le projet de loi témoigne une fois de plus de cet engagement.
[Français]
L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, étant donné que je suis membre du comité, je m'en voudrais de ne pas faire valoir à cette Chambre certains éléments qui ont été soulevés au sujet des coûts pendant les audiences du comité. Plus particulièrement, en tant que Néo-Brunswickoise, je m'inquiète des coûts additionnels pour l'opérateur de Point Lepreau, qui est Énergie NB Power, une société d'État provinciale. À l'heure actuelle, les coûts annuels en assurance que doit assumer Énergie NB Power se chiffrent à environ 65 000 $. Avec ce projet de loi — et l'information m'a été confirmée la semaine dernière —, cette société d'État du Nouveau-Brunswick devra payer des frais de près de 8 millions de dollars par année. Il s'agit de près de 7,5 millions de dollars de plus par année pour une seule opération nucléaire au Nouveau-Brunswick, ce qui engendrera des coûts d'électricité considérables pour sa population de 750 000 personnes.
Il faut aussi souligner le fait que, en Ontario, si ma mémoire est bonne, neuf installations nucléaires produisent plus de 60 p. 100 de l'électricité. Ces installations, également des sociétés d'État provinciales, devront, elles aussi, faire face à ces coûts additionnels. Si, au Nouveau-Brunswick, on considère que, pour une seule installation nucléaire, les coûts additionnels s'élèvent à plus de 7,5 millions de dollars par année, on n'a qu'à multiplier ce chiffre par neuf pour arriver au montant qui s'appliquera aux installations en Ontario.
(1500)
Quand on examine les opérations effectuées par une société d'État provinciale, cette société a évidemment accès, en cas d'accident, à un plan d'urgence, et je n'ai aucun doute que l'ensemble des contribuables se rallieront afin de dédommager cette société et de faire en sorte que le territoire, les personnes ou les biens soient remis en bon état.
On doit se demander, en fin de compte, pourquoi toutes ces sociétés d'État et les contribuables qui utilisent cette forme d'énergie — l'électricité créée par les systèmes nucléaires — devraient faire face à des coûts additionnels qui sont, à mon avis, tout à fait déraisonnables, compte tenu de la structure de propriété.
Honorables sénateurs, j'ai fait valoir ces points lors de nos discussions au comité, et je les réitère aujourd'hui, puisque je trouve absolument inacceptable, particulièrement au Nouveau-Brunswick, où on connaît déjà des difficultés financières liées à la centrale de Point Lepreau et les répercussions qu'elles entraînent pour les consommateurs d'électricité, que les Néo-Brunswickois aient à subir d'autres coûts supplémentaires en raison de ce projet de loi.
On se demande parfois quelle logique sous-tend certains projets de loi. Or, c'est le cas ici. Quelle est la logique de vouloir augmenter, de façon considérable, les coûts d'électricité pour les citoyens du Nouveau-Brunswick, alors que, depuis plus de 40 ans d'exploitation, il n'y a eu aucun incident? Est-ce pour réorienter le secteur de l'énergie contre le secteur de l'énergie nucléaire, qui nous fournit de l'énergie propre, afin d'éviter des incidents au pays?
Je réitère donc mes convictions. En tant que Néo-Brunswickoise, il est évident que je ne puis accepter un tel fardeau additionnel pour les contribuables du Nouveau-Brunswick. J'invite également tous les sénateurs de l'Ontario qui sont présents à peser les coûts supplémentaires que devront assumer les exploitations nucléaires dans leur province. Il n'y en a qu'une, parmi toutes ces exploitations, qui ne soit pas détenue par une société d'État.
Je crois que les Ontariens seraient outrés d'apprendre qu'ils écopent d'un fardeau additionnel en frais d'électricité de l'ordre de 75 millions de dollars par année, et ce, à perpétuité.
J'espère que vous comprendrez l'envergure de ce projet de loi et que, tout comme moi, vous voterez contre celui-ci.
[Traduction]
Son Honneur le Président : Vous êtes déjà intervenu, sénateur Tannas. Souhaitez-vous poser une question?
Le sénateur Tannas : Oui, si la sénatrice Ringuette accepte.
Son Honneur le Président : Oui, allez-y.
Le sénateur Tannas : Merci de vos observations, sénatrice Ringuette. Vous avez soulevé un excellent point.
Voici ma question. Comme vous l'avez souligné, l'augmentation de la limite de responsabilité dans le secteur nucléaire au Canada sera assumée par les propriétaires dans la plupart des cas à savoir par les provinces et leurs habitants, qui consomment cette énergie ou qui profitent de l'exportation de l'énergie.
J'estime que deux choix s'offrent à ces provinces. Ces dernières, et donc les contribuables, peuvent expressément reconnaître qu'elles ont une part de responsabilité en cas d'accident ou bien elles peuvent s'assurer contre ce risque et étaler les paiements sur une longue période afin de ne pas se retrouver tout à coup avec un lourd fardeau financier.
Il n'y a rien qui empêche la province du Nouveau-Brunswick de conclure un contrat qui prévoirait, pour une fraction du prix que vous avez mentionné, une garantie de remboursement à la compagnie d'assurance. Le propriétaire devrait donc en tenir compte dans sa décision.
Voici donc ma question. Si ce ne sont ni les contribuables qui, par l'entremise du gouvernement, choisissent d'assumer les risques en toute connaissance de cause, ni une compagnie d'assurance qui assume ces risques en échange d'une contrepartie à long terme, à qui la responsabilité incomberait-elle en cas d'accident, à votre avis?
La sénatrice Ringuette : Merci, sénateur Tannas, de votre question. Je suis heureuse que vous me l'ayez posée.
La province du Nouveau-Brunswick et ses habitants ont toujours assumé la responsabilité des activités de la centrale de Point Lepreau, et il n'y a jamais eu d'accident. Les cotisations d'assurance d'Énergie NB, la société d'État qui exploite la centrale de Point Lepreau au Nouveau-Brunswick, s'élèvent environ à 65 000 $ par année et non à 8 millions de dollars. Cette somme de 8 millions s'ajoutera donc aux frais d'exploitation.
Les habitants du Nouveau-Brunswick et Énergie NB ont toujours reconnu leur responsabilité, et ils comptent continuer ainsi. Il n'y a eu aucun accident à la centrale de Point Lepreau depuis qu'elle est en exploitation.
Maintenant que la centrale a été modernisée, pourquoi, tout à coup, les Néo-Brunswickois devraient-ils dépenser 8 millions de dollars de plus par année et que cela soit une obligation plutôt qu'un choix? Vous avez plus ou moins dit que la souscription d'une assurance serait facultative.
Je me permets d'ajouter qu'on nous a dit au comité que le gouvernement du Canada a reconnu un seul assureur pour l'ensemble de ces responsabilités. Cette société d'assurance a remporté le gros lot : 8 millions de dollars par année provenant du Nouveau-Brunswick, 75 millions de dollars par année de l'Ontario, et la liste continue. Une seule société est autorisée par le pouvoir fédéral à assurer toutes ces responsabilités.
(1510)
Le sénateur Tannas : Avez-vous demandé à Énergie NB, lorsque vous avez reçu l'information sur les primes qu'elle prévoit payer, si elle a réfléchi, avec le gouvernement, à la possibilité d'offrir à l'assureur une garantie d'un maximum de 1 milliard de dollars? Elle ne serait pas alors obligée de payer des primes aussi élevées.
Effectivement, si la situation est telle que vous la décrivez, nous savons que, au bout du compte, le gouvernement et tous les habitants du Nouveau-Brunswick sont responsables du coût total de toute catastrophe. Je me demande si on a songé à adopter des structures qui permettent de faire ce qui doit se faire, mais qui permettraient également aux Néo-Brunswickois, au gouvernement du Nouveau-Brunswick ainsi qu'aux Ontariens, de comprendre qu'ils acceptent d'assumer un risque ou qu'ils vont recourir à de l'assurance au besoin.
La sénatrice Ringuette : Le gouvernement du Nouveau-Brunswick, tout comme celui de l'Ontario, lorsqu'ils ont créé des sociétés d'État comme exploitants des installations nucléaires, ont fourni, par défaut — c'est ce que nous ont dit les fonctionnaires du ministère des Ressources naturelles — ce niveau de garantie à l'égard de la population et de l'exploitation des installations.
Pourquoi faudrait-il maintenant payer 8 millions de dollars, dans le cas du Nouveau-Brunswick, pour exploiter une installation à l'égard de laquelle la province assure déjà une garantie à la population en cas d'accident? Cela ne tient pas debout. Cela fait augmenter les coûts à un moment où les ménages essaient de réduire les dépenses. Tous les gouvernements essaient de réduire leurs coûts. Et voici que, unilatéralement, le gouvernement fédéral impose des coûts supplémentaires de 8 millions de dollars par année aux habitants du Nouveau-Brunswick et de plus de 75 millions de dollars par année aux Ontariens. Cela n'a aucun sens, puisqu'il s'agit de sociétés d'État. Leur activité est garantie par la totalité des contribuables dans toutes les provinces. Et le gouvernement fédéral n'a accrédité qu'une seule société pour offrir ce service d'assurance.
Encore une fois, je trouve cela absolument insensé, et je voterai contre ce projet de loi.
(Sur la motion de la sénatrice Fraser, au nom du sénateur Mitchell, le débat est ajourné.)
La Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat
L'honorable Vernon White propose que le projet de loi C-44, Loi modifiant la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et d'autres lois, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je souhaite prendre la parole au sujet du projet de loi C-44, Loi sur la protection du Canada contre les terroristes, qui aidera le gouvernement à protéger les Canadiens contre la menace que posent les attaques terroristes.
Honorables sénateurs, nous devons actuellement faire face à une réalité que peu d'entre nous auraient pu même imaginer il y a une décennie, car nous sommes à une époque où les médias sociaux sont de plus en plus exploités par des groupes terroristes qui cherchent à diffuser leur discours violent, où un grand nombre de personnes dans les pays occidentaux, y compris le Canada, sont influencées par cette propagande et traduisent leurs idées radicales par des gestes de violence, où un nombre inquiétant de ces personnes radicalisées ont quitté ou tenté de quitter le Canada pour participer à des activités liées au terrorisme à l'étranger, et où des Canadiens radicalisés ont commis des actes terroristes dans notre pays pour s'en prendre directement à nos militaires, à notre démocratie et à nos valeurs fondamentales.
Soyons clairs : le mouvement djihadiste international a déclaré la guerre au Canada. Le gouvernement refuse de rester sans rien faire comme le voudraient certains. Nous prenons plutôt des mesures énergiques pour lutter contre cette menace terroriste.
[Français]
Honorables sénateurs, le phénomène de l'extrémisme violent n'est pas nouveau, même ici, au Canada.
[Traduction]
La tragédie d'Air India, les attentats à la bombe qui ciblaient des oléoducs dans l'Ouest canadien, les complots visant à faire sauter l'Assemblée législative à Victoria et un train de VIA Rail, et les attaques horribles commises en octobre dernier sont autant d'événements qui démontrent que le Canada n'est pas à l'abri des menaces terroristes. Nos organismes de sécurité nationale et d'application de la loi sont conscients de la menace posée par les extrémistes issus de notre pays qui peuvent passer de la pensée à l'action rapidement et sans avertissement.
Les Canadiens d'un bout à l'autre du pays ont été choqués et horrifiés, avec raison, par les attaques perpétrées au Québec et en Ontario en octobre dernier. Ces événements ont, chez un grand nombre d'entre eux, ébranlé le sentiment de sécurité qui caractérise le Canada et la société canadienne. Nous continuons de pleurer la perte de l'adjudant Patrice Vincent et du caporal Nathan Cirillo. Toutefois, le Canada reste inébranlable dans sa volonté de lutter contre la terreur et contre ceux qui tentent de détruire notre sentiment de paix et de sécurité.
À cet égard, les Canadiens s'attendent à ce que le gouvernement veille à la sécurité dans les localités du pays, les lieux de travail et les rues. Ils s'attendent à ce que nous adoptions des mesures énergiques qui renforceront la sécurité nationale et qui nous protégeront contre de futures attaques. Ils s'attendent à ce que nous fassions en sorte que nos agences de sécurité et de renseignement puissent prendre des mesures raisonnables pour assurer notre sécurité. Ils s'attendent aussi à ce que nous nous occupions de la menace posée par les extrémistes qui tentent de quitter le Canada ou d'y entrer dans le but de participer à des actes terroristes. Bref, les Canadiens comptent sur le gouvernement pour assurer leur sécurité, et tel est notre objectif prioritaire.
Il n'existe évidemment pas de solution unique ou universelle. C'est pour cette raison que nous avons une approche à plusieurs volets pour contrer le terrorisme et l'extrémisme violent. Le projet de loi dont nous sommes saisis n'est qu'une mesure parmi d'autres pour faire en sorte que le SCRS puisse s'acquitter efficacement de son mandat en matière de sécurité nationale et aider à assurer la sécurité des Canadiens.
La Loi sur la protection du Canada contre les terroristes confirme le pouvoir du SCRS de mener des activités à l'extérieur du Canada pour enquêter sur des menaces à la sécurité de notre pays. Elle préserve aussi la capacité du SCRS de recruter des sources humaines en renforçant les mécanismes visant à protéger l'identité des informateurs. Le projet de loi renferme également des modifications visant à protéger l'identité des employés du SCRS susceptibles de participer à des opérations secrètes.
Honorables sénateurs, ce projet de loi ne vise pas à accorder de nouveaux pouvoirs au Service canadien du renseignement de sécurité. Il vient plutôt clarifier des pouvoirs dont cet organisme a toujours disposé en vertu de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. Il voit aussi à ce que le SCRS puisse continuer d'accomplir le travail que le Parlement attend de lui.
On peut se demander pourquoi ce projet de loi est nécessaire puisque le SCRS dispose déjà des pouvoirs en question. Il s'agit d'une question légitime, à laquelle je tenterai de répondre clairement.
Le projet de loi C-44 fait suite à des décisions judiciaires importantes qui ont des retombées considérables sur le mandat et les activités du SCRS.
Premièrement, une décision rendue en juillet 2014 par la Cour d'appel fédérale a soulevé des questions importantes, à savoir si le SCRS pouvait bel et bien enquêter à l'extérieur du Canada, et si la Cour fédérale pouvait décerner des mandats autorisant certaines activités à l'extérieur du Canada.
Le projet de loi C-44 vient répondre à ces questions. Il confirme, tout d'abord, que le SCRS a le pouvoir de mener, à l'extérieur du Canada, des enquêtes concernant des menaces à la sécurité du Canada et des évaluations de sécurité. En deuxième lieu, il confirme que la Cour fédérale a le pouvoir de décerner des mandats autorisant certaines activités à l'extérieur du Canada. En troisième lieu, il précise que la Cour fédérale doit seulement tenir compte des lois canadiennes pertinentes quand elle décide d'accorder ou non un mandat.
Le SCRS a toujours eu le pouvoir d'agir à l'extérieur du Canada, et cela a toujours été l'intention du Parlement. Toutefois, ce pouvoir n'est pas exprimé aussi clairement qu'on pourrait le souhaiter dans la Loi sur le Service du renseignement de sécurité. La Loi sur la protection du Canada contre les terroristes permettra simplement au Parlement d'éclaircir ce point, de même que le pouvoir de la Cour fédérale.
Deuxièmement, dans l'arrêt Harkat, la Cour suprême a indiqué que les sources humaines du SCRS n'étaient pas protégées par un privilège générique semblable à celui dont bénéficient les indicateurs de police.
Cette décision a affaibli la capacité du SCRS de donner aux sources humaines une assurance crédible que leur identité sera protégée. La capacité du SCRS de recruter des informateurs et de les convaincre de fournir des renseignements souvent cruciaux pour la sécurité nationale dépend fondamentalement de la capacité de l'organisme à leur garantir que leur identité sera protégée. La Loi sur la protection du Canada contre les terroristes traite de ce point important en créant des mécanismes solides de protection automatique de l'identité, sous réserve de certaines exemptions visant à assurer l'équité des procédures judiciaires.
Le projet de loi dont nous sommes saisis prévoit aussi l'entrée en vigueur plus tôt que prévu de certaines dispositions de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne. Ces dispositions prévoient la révocation de la citoyenneté canadienne des personnes qui ont une double nationalité et qui sont reconnues coupables de crimes tels que le terrorisme, la haute trahison ou l'espionnage, selon la peine imposée.
Honorables sénateurs, comme vous l'avez entendu, la portée et l'objet des dispositions auxquelles j'ai fait allusion relativement aux pouvoirs du SCRS sont ciblés. Ces dispositions sont des changements limités, mais nécessaires à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. Elles permettront au SCRS d'effectuer son travail d'enquête sans être gêné par une ambiguïté juridique liée à ses pouvoirs.
(1520)
Cela dit, chaque fois que nous traitons de sécurité nationale et d'enquêtes, d'aucuns se préoccupent de la question des libertés civiles. Depuis la présentation du projet de loi à l'autre endroit, des préoccupations ont été formulées relativement à la notion de responsabilité et à la question de savoir si les juges de la Cour fédérale devraient avoir le pouvoir d'émettre des mandats, indépendamment des lois en vigueur dans d'autres pays.
Certains ont aussi laissé entendre que ces changements élargissent considérablement les pouvoirs du SCRS et qu'ils empêcheraient les avocats d'étudier adéquatement l'information fournie par les sources humaines du SCRS dans le cadre de procédures judiciaires.
Quelles que soient les préoccupations formulées, celles-ci sont toutes liées aux droits et libertés qui forment le fondement de la démocratie canadienne. Je vais tenter de dissiper ces craintes.
Je peux garantir à tous les honorables sénateurs et à tous les Canadiens que la mesure législative a été rédigée en veillant à assurer un équilibre entre la sécurité nationale et les libertés civiles. D'ailleurs, face à ces préoccupations, le ministre de la Sécurité publique a répété à plusieurs reprises aux parlementaires et aux Canadiens que la mesure législative est fondée et qu'elle ne minera pas les droits et libertés des Canadiens.
Oui, nous devons renforcer les lois qui régissent les actions des organismes de sécurité nationale et d'application de la loi. Nous devons aussi veiller à ce que le SCRS ait clairement le pouvoir de mener des enquêtes à l'étranger. Cela dit, les changements que nous proposons sont limités, raisonnables et respectueux des droits dont jouissent les Canadiens en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.
Comme c'est le cas dans toutes les nations démocratiques, notre pays et le Parlement veillent soigneusement à ce que les mesures adoptées pour nous protéger respectent nos valeurs et libertés fondamentales. Cela est particulièrement vrai dans le cas de nos efforts pour lutter contre le terrorisme. Afin de situer la question dans son contexte, il convient de prendre un peu de recul et de jeter un coup d'œil à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité dans sa forme actuelle. Cet exercice nous permettra de bien comprendre le rôle de cet organisme et d'expliquer les contrôles très stricts que celui-ci doit respecter.
Comme nous le savons, le SCRS joue un rôle central dans les efforts de lutte contre le terrorisme du Canada. Le SCRS a pour mandat de base de recueillir, d'analyser et de conserver des renseignements concernant les activités pouvant constituer une menace pour la sécurité du Canada. Il doit également signaler ces activités au gouvernement et le conseiller à leur égard.
Les menaces dont le SCRS s'occupe sont graves et complexes : terrorisme, prolifération des armes de destruction massive, espionnage, cybercriminalité, et ainsi de suite. En fait, la lutte contre le terrorisme constitue la toute première priorité du SCRS. Ses activités sont soumises à une sérieuse supervision. La Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité est conçue de telle façon que le SCRS doit répondre à des normes minimales claires pour être en mesure d'entreprendre certaines activités et que celles-ci sont soumises à de multiples mesures de supervision et d'examen.
Ainsi, l'article 12 de la loi impose au SCRS de n'ouvrir une enquête qu'au sujet d'activités « dont il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu'elles constituent des menaces envers la sécurité du Canada ». De plus, le SCRS ne doit recueillir des renseignements que « dans la mesure strictement nécessaire ».
Pour ce qui est de la supervision, il doit obtenir un mandat de la Cour fédérale avant de recourir à des moyens intrusifs tels que l'interception des communications. Pour avoir accès à un tel mandat, le SCRS doit persuader un juge qu'il a des motifs raisonnables de croire que les activités faisant l'objet de l'enquête constituent une menace à la sécurité du Canada. Avant de demander le mandat, le SCRS doit obtenir l'approbation du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, après consultation du sous-ministre. La loi exige également que le SCRS présente au ministre un rapport annuel sur ses activités opérationnelles. Elle autorise aussi le ministre à donner des instructions écrites au SCRS.
Par surcroît, le SCRS est soumis à une sérieuse supervision de la part du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, ou CSARS, qui est chargé d'examiner la façon dont le SCRS s'acquitte de ses fonctions et d'enquêter sur toute plainte dont il fait l'objet. Chaque année, le CSARS produit un rapport annuel que le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile dépose au Parlement. Ce rapport assure la transparence des activités du SCRS et garantit aux Canadiens que celui-ci respecte pleinement les paramètres définis dans la loi.
Comme le gouvernement l'a clairement dit, le SCRS a toujours eu le pouvoir de mener des enquêtes à l'étranger. Toutefois, cela n'est pas clairement énoncé dans la loi. Par conséquent, le projet de loi à l'étude énonce clairement ce pouvoir. Il ne doit y avoir ni confusion ni ambiguïté quant au pouvoir du SCRS d'avoir des activités à l'extérieur du Canada. Il est indispensable que le SCRS soit doté de pouvoirs clairs et de moyens adéquats pour être en mesure de remplir son rôle essentiel de protection des Canadiens.
Le projet de loi maintient l'obligation du SCRS d'obtenir une autorisation judiciaire pour mener certaines activités intrusives. En outre, les juges de la Cour fédérale conserveront le pouvoir discrétionnaire de déterminer l'importance à accorder aux renseignements fournis par les sources humaines du SCRS dans le cadre de poursuites judiciaires. Ces dispositions protègent l'identité des sources humaines du SCRS, tout en préservant le droit des Canadiens à des procédures judiciaires équitables.
Les modifications proposées n'élargissent aucunement le mandat du SCRS. Elles ont une portée limitée et des objectifs ciblés, et elles concourent à aider le gouvernement à assurer la sécurité des citoyens.
Comme toujours, le gouvernement continuera de travailler à l'intérieur du cadre législatif canadien pour trouver un juste milieu entre les libertés civiles et la sécurité publique. J'invite tous les honorables sénateurs à se joindre à moi pour appuyer le présent projet de loi.
L'honorable Serge Joyal : Merci, honorable sénateur White, de votre exposé au sujet de projet de loi C-44. Accepteriez-vous de répondre à une question?
Le sénateur White : Oui, volontiers.
Le sénateur Joyal : Les honorables sénateurs savent sans doute que l'une des principales sources ayant servi à la rédaction du projet de loi est la décision rendue par le juge Mosley, de la Cour fédérale, au printemps dernier. Certains d'entre nous connaissent bien le juge Mosley. Il est un ancien sous-ministre de la Justice et il a comparu à plusieurs reprises devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles lorsqu'il occupait ce poste. Depuis sa nomination à la Cour fédérale, il s'est spécialisé dans les questions liées à la sécurité. Il jouit donc d'une très grande réputation, et est tenu en haute estime par les gens qui s'intéressent aux questions liées à la sécurité au Canada, toutes allégeances confondues.
Dans votre exposé, sénateur, vous avez mentionné plus d'une fois que la Loi sur le SCRS confirme que le SCRS a le pouvoir de mener des enquêtes extraterritoriale. Or, le juge Mosley, dans sa décision, indique très clairement que la Loi sur le SCRS, dans sa forme actuelle, c'est-à-dire avant que le projet de loi C-44 que vous avez présenté aujourd'hui ne la modifie, comporte des limites. D'ailleurs, dans l'affaire en question, le SCRS a tenté de contourner ces limites en informant la cour d'une manière qui a été vertement critiquée par le juge Mosley.
Comment pouvez-vous concilier les explications que vous venez de donner au sujet du projet de loi C-44 ainsi que les pouvoirs extraterritoriaux du SCRS avec les observations faites par le juge Mosley dans l'affaire qui a entraîné l'élaboration du projet de loi C-44?
Le sénateur White : Sénateur Joyal, je vous remercie de votre question.
Je crois que le projet de loi C-44 a justement pour objet d'établir clairement, à l'intention des tribunaux — je ne veux pas du tout dire par là que nous souhaitons nous retrouver devant les tribunaux —, ce que sont pour nous les pouvoirs légitimes du SCRS en vertu de sa loi organique.
Bien sûr, comme vous l'avez dit, M. Mosley est bien connu, y compris de moi. Il n'y a pas de doute que, dans son rôle actuel, il a eu l'impression que le SCRS était allé au-delà des pouvoirs que la loi lui accordait. Je conviens aussi que c'est bien cela que le juge Mosley a dit.
Je pense que le projet de loi C-44 nous permettrait de définir plus clairement ce que, de l'avis du gouvernement, la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité est censée autoriser. Je suppose que nous nous retrouverons encore une fois devant un juge ou plusieurs, pour expliquer que nous avons apporté les modifications nécessaires pour permettre de telles activités. Toutefois, je conviens avec vous que le projet de loi C-44 est rédigé de façon à pouvoir au moins — je ne veux pas dire corriger — mieux expliquer l'intention du législateur dans la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité.
Le sénateur Joyal : Je ne voudrais pas aller trop loin dans mes arguments juridiques, mais je dois dire que, lorsque le SCRS mène ses enquêtes au Canada, il a l'obligation de respecter nos lois et, en particulier, les limites que la Charte canadienne des droits et libertés impose aux organismes du gouvernement chargés d'opérations de sécurité. Lorsque le SCRS a des activités à l'étranger, il se pourrait bien que ce soit dans un pays où la protection des droits de la personne n'est pas aussi rigoureuse qu'au Canada. Dieu merci, nous avons ces types de protection, car je crois qu'ils permettent de préserver une certaine forme d'éthique à laquelle nous devrions nous conformer dans quelque opération que ce soit, même lorsqu'il s'agit de sécurité, et les forces policières en demanderaient autant parce que cela permet de préserver le caractère de fiabilité que les Canadiens prêtent aux forces de sécurité et aux forces policières ainsi que la confiance que ces forces leur inspirent.
(1530)
Pour l'exécution de telles opérations visant des citoyens canadiens à l'étranger, avez-vous pensé à poser certaines limites aux agissements du SCRS? Prenons l'exemple d'un pays où la protection des droits de la personne n'est pas une priorité. Je pourrais bien entendu en nommer toute une série. Je suis convaincu que beaucoup de noms vous viennent aussi à l'esprit.
Bref, à votre avis, le SCRS serait-il tenu de se plier aux mêmes conditions qu'ici en ce qui concerne la reconnaissance et la protection des droits de la personne lorsqu'il enquête sur des citoyens canadiens à l'étranger, dans des pays où une telle protection n'existe pas?
Le sénateur White : Encore une fois, merci beaucoup de cette question. Je ne m'attends pas à ce que le SCRS adopte des pratiques plus laxistes lorsqu'il enquête à l'étranger, mais bien qu'il s'en tienne aux normes qui ont été établies pour lui au Canada. En fait, je crois que l'on s'attend en cela à ce que le SCRS ne soit pas obligé de répondre aux normes d'un autre pays qui pourraient être plus strictes ou simplement différentes des nôtres, mais qu'il doive s'en tenir à l'application des normes que nous avons déjà adoptées pour les opérations menées au Canada dans l'intérêt des Canadiens.
Au final, je m'attends à ce que les opérations du SCRS à l'étranger ayant trait à des Canadiens obéissent aux mêmes exigences que celles qui lui incombent lorsqu'il opère en sol canadien.
Le sénateur Joyal : Imaginons un instant que le SCRS souhaite confier en sous-traitance — je n'aime pas trop cette expression — une partie de ses opérations à un autre service national d'enquête. Ce service devrait, évidemment, respecter les lois en vigueur dans le pays où l'opération est menée, mais que se passerait-il si celles-ci étaient beaucoup moins contraignantes que les lois auxquelles le SCRS doit se conformer au Canada? Pensez-vous que le projet de loi devrait être plus clair en ce qui concerne les opérations menées par le SCRS lorsqu'il n'est pas en territoire canadien et qu'il pourrait, en théorie, outrepasser les lois en vigueur au Canada?
Le sénateur White : Permettez-moi de reprendre les termes que vous avez utilisés. Si le SCRS fait appel à des sous-traitants, ce n'est plus la même organisation qui effectue le travail, certes, mais le travail effectué demeure sous la responsabilité du SCRS.
Si l'on a recours à un agent ici même, au Canada, on permet à quelqu'un d'autre d'agir en notre nom, et c'est exactement ce que fait cette personne. Je ne crois pas que cela changerait quoi que ce soit, à vrai dire. En outre, je crois que la Loi sur le SCRS est claire, mais si elle ne l'est pas, je suis sûr que nous pourrons en discuter longuement pendant les rencontres du Comité de la défense nationale à ce sujet. Toutefois, j'ai toujours cru qu'on pouvait confier des travaux en sous-traitance, mais qu'on ne pouvait pas en confier la responsabilité au sous-traitant.
L'honorable Colin Kenny : Puis-je poser une question?
Le sénateur White : Oui, je vous en prie.
Le sénateur Kenny : Merci.
Sénateur White, je sais que vous vous efforcez de trouver un juste milieu entre la sécurité publique et le respect des droits de la personne, et je sais que c'est aussi l'objectif du gouvernement. C'est d'ailleurs pour cette raison que je me demande pourquoi la mesure législative dont nous sommes saisis ne comporte aucune disposition relative à la nomination d'un avocat spécial, qui aurait l'autorisation de sécurité voulue et qui travaillerait en collaboration avec l'avocat du gouvernement ayant demandé l'évaluation à huis clos d'un enjeu de sécurité. Pourquoi n'a-t-on pas prévu la présence d'un avocat spécial qui défendrait les droits de la personne ou s'assurerait que l'on respecte la Charte des droits et libertés? Ainsi, le juge de la Cour fédérale pourrait évaluer le bien-fondé des arguments de chacun et il serait plus en mesure de rendre une décision qui tienne compte à la fois de la sécurité publique et du respect des droits de la personne.
Le sénateur White : Je vous remercie de votre question, sénateur. Premièrement, je crois qu'elle porte plutôt sur l'ensemble de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité que sur les modifications que nous voulons y apporter. Je ne crois pas que nous ayons réfléchi à cette idée. Nous essayons de préciser les choses et de dissiper les craintes que d'autres tribunaux ont exprimées.
Deuxièmement, j'estime que les juges de la Cour fédérale ne font pas que défendre les intérêts du Canada. Ils veillent à la sécurité des Canadiens, mais tiennent aussi compte des libertés civiles et des droits des personnes qui font l'objet d'une enquête. J'estime donc que les juges de la Cour fédérale assument déjà ce rôle. Si ce n'est pas le cas, la question sera sans doute soulevée en comité.
(Sur la motion de la sénatrice Fraser, au nom du sénateur Mitchell, le débat est ajourné.)
[Français]
Le Sénat
Motion tendant à reconnaître la nécessité de prévoir une sécurité entièrement intégrée dans toute la cité parlementaire et sur le terrain de la Colline du Parlement, et d'inviter la Gendarmerie royale du Canada à diriger la sécurité opérationnelle
L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement), conformément au préavis donné le 5 février 2015, propose :
Que le Sénat, compte tenu de l'attaque terroriste survenue le 22 octobre 2014, reconnaisse qu'une sécurité entièrement intégrée est nécessaire dans toute la cité parlementaire et sur le terrain de la colline parlementaire, comme l'a recommandé le vérificateur général dans son rapport de 2012 et comme elle existe pour d'autres parlements analogues; et qu'il demande, sans délai, au Président, en coordination avec son homologue de la Chambre des communes, d'inviter la Gendarmerie royale du Canada à diriger la sécurité opérationnelle partout à l'intérieur de la cité parlementaire et sur le terrain de la colline parlementaire, tout en respectant les privilèges, immunités et pouvoirs de chaque Chambre et en veillant à ce que le personnel chargé actuellement de la sécurité parlementaire et respecté, conserve son emploi.
— Honorables sénateurs, je propose la motion inscrite à mon nom.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
[Traduction]
Recours au Règlement—Report de la décision de la présidence
L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, maintenant que la motion a été officiellement présentée, j'invoque le Règlement, car j'estime qu'elle est irrecevable.
J'invoque le Règlement, mais cette question touche aussi à certains aspects du privilège parlementaire, et j'espère que la présidence y réfléchira.
La motion délèguerait à la GRC un pouvoir que la loi confie au Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration. Comme nous l'avons entendu, la motion demande à la GRC de « diriger la sécurité opérationnelle partout à l'intérieur de la cité parlementaire ». Or, l'article 19.3 de la Loi sur le Parlement du Canada dit ceci :
Sous réserve du paragraphe 19.1(4), le comité...
— c'est du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration qu'il s'agit —
... peut s'occuper des questions financières et administratives intéressant :
a) le Sénat, ses locaux, ses services et son personnel;
b) les sénateurs.
Et le paragraphe 19.1(4) dit ce qui suit :
Dans l'exercice de ses pouvoirs et fonctions en vertu de la présente loi, le comité...
— il s'agit du Comité de la régie interne —
... est placé sous l'autorité du Sénat et est assujetti à ses règles.
Rien, dans la motion, ne tient compte du libellé, pourtant clair, du paragraphe 19.1(4) et de l'article 19.3, et ces dispositions, bien entendu, n'énoncent que partiellement le pouvoir fondamental du Parlement de contrôler la Cité parlementaire. On dirait que la motion demande que le Sénat délègue ses pouvoirs à la GRC, les pouvoirs qui lui sont conférés expressément par la loi et, surtout, par des siècles d'histoire parlementaire.
J'aurais été plus à l'aise si elle avait au moins dit que la GRC exercerait ses fonctions sous la direction de notre Président et de son homologue à la Chambre des communes, ou qu'elle relèverait d'eux. Malheureusement, cet élément n'est pas évoqué. Nous savons que la GRC relève du gouvernement, et non du Parlement, et rien dans cette motion ne tient compte de cette réalité..
(1540)
[Français]
L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je comprends l'argument du sénateur Cowan. Peut-être faudrait-il, dans un premier temps, débattre de la motion pour savoir si elle est ou non visée par le Règlement. Comme vous le savez, le Sénat prend ses décisions. Il est souverain et peut décider ce qu'il veut, selon la loi et la Constitution.
En ce qui concerne le Règlement, je rappelle que l'idée d'avoir une force unifiée n'est pas nouvelle. Elle a été soulevée par le vérificateur général en 1980. Ce n'est qu'en 1992 que l'Administration du Sénat et la régie interne ont accepté de suivre la recommandation d'une force unifiée, à la suite d'un autre rapport du vérificateur général. Cette recommandation a été formulée à nouveau en 2012 par le vérificateur général, qui avait donné suite à une recommandation du Sénat d'accepter ce rapport du vérificateur général en faveur d'une force unifiée.
La position du sénateur Cowan ne tient pas compte d'un important passage dans le texte de la motion. Pour ne pas tout simplement dire que je présente la motion inscrite à mon nom, j'ai délibérément lu la motion pour attirer l'attention des honorables sénateurs sur son contenu et, plus précisément, sur les termes importants que sont « tout en respectant les privilèges, immunités et pouvoirs de chaque Chambre ». Qu'entend-on par cette expression?
Comme vous le savez, la sécurité relève des Présidents de chaque Chambre. La motion donne le mandat au Président du Sénat de s'asseoir avec le Président de l'autre endroit pour convenir, avec la GRC et les forces de sécurité du Sénat, d'un système ou d'un mode d'opération unique afin d'éliminer les risques posés par les silos. L'objectif de la motion est de protéger l'immunité du Sénat et l'immunité du Parlement.
Quelle est la plus grande enfreinte à un privilège du Parlement? Quand une personne pénètre dans les bâtiments de cette institution avec une arme à feu et tire sur des gens ou les vise, est-ce une atteinte aux immunités et aux privilèges de ce Parlement? Bien évidemment.
Comment fait-on pour prévenir au maximum que des atteintes de cette nature ne se produisent? En ayant recours à une force de sécurité compétente et à une opération unifiée. Pourquoi parle-t-on d'opération unifiée? L'idée est d'éviter les silos. Les silos occasionnent des vides entre chacune des instances, ce qui crée des risques pour la sécurité. Des risques, on en a vu en 1989 quand un autobus qui transportait un homme armé s'est introduit sur la Colline et s'y est garé, comme vous vous en souvenez probablement. Il s'est produit également de tels risques lors d'événements où des activistes se sont promenés sur le toit pour y installer des banderoles. Cependant, dans ce cas, personne ne voulait prendre la responsabilité du toit. Le problème des silos a été illustré par le fait qu'aucun service de sécurité n'avait la responsabilité du toit. Or, il semble que, si le toit s'effondre, cela portera atteinte à nos privilèges et immunités, parce que nous ne pourrons plus nous réunir.
Tous ces facteurs constituent un ensemble. La question n'est pas d'abdiquer un pouvoir en matière de sécurité; c'est de déléguer ou de demander un service de sécurité intégré qui, en l'occurrence, est la GRC. Pour exercer mon pouvoir, j'ai besoin de différents outils. À l'heure actuelle, la technologie fait en sorte que, pour exercer mon privilège de sénateur, je dois me servir d'un iPad. Devons-nous pour autant produire nos iPads? Non. Nous devons avoir les moyens d'engager des dépenses afin qu'on nous fournisse les outils dont nous avons besoin, qu'il s'agisse d'un iPad, de l'entretien d'un bâtiment ou de la protection d'un bâtiment ou des personnes.
Il ne s'agit pas pour nous d'abdiquer nos pouvoirs en matière de sécurité, mais d'utiliser les services d'une agence existante, soit la GRC, afin qu'elle puisse assurer la sécurité des édifices dans lesquels nous exerçons notre pouvoir constitutionnel.
Il n'y a absolument rien dans cette motion qui porte atteinte à nos immunités et à nos privilèges. Au contraire, l'objectif de la motion est de nous assurer que nous puissions les exercer sans que personne ne puisse porter atteinte à l'intégrité de cette institution, à l'intégrité des gens qui la visitent et qui y travaillent et à l'intégrité des gens qui adoptent les lois. C'est l'objectif de cette motion.
Pour ce qui est du rappel au Règlement, si le sénateur Cowan voulait nous faire part de son inquiétude quant à l'importance de ne pas voir les Chambres abdiquer leur pouvoir en matière de sécurité, c'est fait. La motion est claire. On cherche à protéger les immunités et les pouvoirs. Je soulève ce point également dans le cadre de mon discours. Il appartiendra aux Présidents des deux Chambres, dans le cadre de leurs discussions avec la GRC et avec la nouvelle force unifiée, de veiller à négocier les différents systèmes afin qu'ils rendent des comptes, qu'ils soient imputables et qu'ils se rapportent à vous, monsieur le Président.
[Traduction]
L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, le sénateur Carignan dit que cette motion est claire. Toutefois, tout le problème réside dans le fait que la motion n'est pas claire alors qu'elle traite de questions vraiment fondamentales touchant l'intégrité du Parlement, en général, et du Sénat, en particulier. Comme l'a mentionné le sénateur Cowan, des questions de privilège se rattachent à l'objet de cette motion, mais nous ne sommes pas ici pour examiner une question de privilège.
Nous invoquons le Règlement parce que la question qui se pose n'est pas de savoir si le Parlement peut réduire ses propres privilèges. Il peut le faire parce qu'il en a le droit. Le sous-comité du Comité du Règlement vient de compléter une étude très soigneuse et très approfondie du privilège, qui établit très clairement que le Parlement peut, dans certaines limites, modifier ses propres privilèges. La question qui se pose est plutôt la suivante : comment devons-nous procéder pour ce faire? D'après notre Règlement, tout sénateur a le devoir de préserver les privilèges du Sénat, et cette préservation de nos privilèges prend le pas sur n'importe quelle autre question dont le Sénat est saisi. Ce ne sont pas là des questions sans conséquence.
Qu'est-ce que le privilège? Comme on l'a répété à plusieurs reprises ici et ailleurs, et je me réfère au fameux commentaire 24 de la sixième édition de Beauchesne, un privilège est la somme des droits particuliers à chaque Chambre, collectivement, et aux membres de chaque Chambre individuellement, faute desquels il leur serait impossible de s'acquitter de leurs fonctions. Ces droits sont impartis aux députés en tant que tels : la Chambre serait en effet dans l'incapacité de s'acquitter de ses fonctions si elle ne pouvait librement disposer des services de tous ses membres.
(1550)
Eh bien, jusqu'ici, un des éléments incontestés du droit du Parlement de disposer librement de ses services a été le contrôle qu'il exerce sur la sécurité.
Cette motion propose de céder le contrôle de notre sécurité à la Gendarmerie royale du Canada. C'est ici que la contradiction inhérente à cette motion devient apparente. On nous demande d'inviter la GRC à diriger notre sécurité opérationnelle, tout en respectant nos privilèges, immunités et pouvoirs.
On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Soit on a le contrôle, soit on ne l'a pas. Rien dans cette motion ne dit que le contrôle suprême continuera de relever du Sénat et, plus précisément, du Président.
Nous savons tous que la GRC assure déjà la sécurité sur nos terrains, mais il y a une grande différence entre terrains et édifices.
Selon le commentaire 130, au chapitre 3 de la sixième édition de Beauchesne, s'il est admis que l'expression « Cité parlementaire » désigne, selon la tradition et la pratique, les bâtiments eux-mêmes — principalement les édifices du Centre, de l'Est, de l'Ouest, de la Confédération et l'édifice Wellington —, la définition n'a jamais été officiellement réputée inclure les terrains qui entourent les bâtiments. C'est justement là que nous avons autorisé la GRC à assurer la sécurité.
Toujours selon Beauchesne, en ce qui concerne l'édifice du Centre, il ne fait aucun doute que les agents de sécurité du Sénat et de la Chambre des communes, qui sont des employés du Parlement ont compétence exclusive. La raison en est assez évidente. C'est dans ces édifices, et particulièrement dans celui-ci, que nous menons nos travaux et c'est là que nous devons avoir le contrôle de nos propres affaires.
Il est possible, comme certains d'entre nous le croient, que, pour modifier le contrôle de la sécurité et céder notre pouvoir à la GRC, il nous faille modifier la Loi sur le Parlement du Canada et la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada. Mais la motion proposée ne peut faire cela. J'invite Son Honneur à nous conseiller et à nous dire si des modifications législatives s'imposent.
De toute façon, la motion ne dit pas explicitement, nous en convenons tous, certainement, que le contrôle ultime doit toujours revenir au Sénat. La GRC ne relève pas du Parlement, mais du gouvernement et du ministre de la Sécurité publique. C'est ce qui est prévu dans la loi. Je ne vois pas comment la motion peut y changer quoi que ce soit. Elle apporte une modification profonde et fondamentale aux privilèges du Sénat sans fournir le moindre détail. Nous n'avons pas la moindre idée du contenu de l'accord auquel nous aboutirons ni des détails de ce contrôle opérationnel.
Nous savons que, à l'autre endroit, le parti ministériel a rejeté un amendement qui disait que le contrôle ultime revenait au Président, ce qui donne à penser que le gouvernement veut au fond que ce contrôle ultime appartienne au ministre de la Sécurité publique.
La question sur laquelle je souhaite obtenir les conseils de Son Honneur n'est pas de savoir si nous pouvons faire ce que la motion propose. Le Parlement peut faire tout ce qu'il veut.
La question qui se pose est plutôt celle-ci : est-ce la bonne façon de s'y prendre? Est-ce le bon moyen de faire ce que la motion propose, c'est-à-dire apporter un changement aussi profond? Je soutiens que ce n'est pas de cette façon qu'il faut s'y prendre. Lorsque nous entreprenons d'apporter des modifications aussi conséquentes au système parlementaire, il faut présenter des propositions beaucoup plus explicites et détaillées, et il faut prévoir un rôle de surveillance pour le Sénat, un contrôle ultime plus important exercé par le Président et, par son intermédiaire, par le Sénat.
La motion, telle qu'elle est présentée, est fondamentalement imparfaite, et je demande à Son Honneur de rendre une décision en ce sens.
[Français]
L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le rappel au Règlement. Je crois que cette motion est une directive qui émane du premier ministre et qu'elle enfreint la Constitution. Je vous renvoie à un article écrit par le journaliste Jordan Press qui date du 5 février dernier et qui indique, à la page 4, ce qui suit :
[Traduction]
Puis, le cabinet du premier ministre intervient.
[Français]
La Constitution stipule bel et bien ce qui suit, à l'article 18 :
Les privilèges, immunités et pouvoirs que posséderont et exerceront le Sénat et la Chambre des Communes et les membres de ces corps respectifs, seront ceux prescrits de temps à autre par loi du Parlement du Canada; mais de manière à ce qu'aucune loi du Parlement du Canada définissant tels privilèges, immunités et pouvoirs ne donnera aucuns privilèges, immunités ou pouvoirs excédant ceux qui, lors de la passation de la présente loi, sont possédés et exercés par la Chambre des Communes du Parlement du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande [...]
Donc, ce pouvoir est un pouvoir constitutionnel, et le pouvoir constitutionnel renvoie à la Loi sur le Parlement du Canada. Je voudrais, plus précisément, lire les pouvoirs énoncés dans cette loi à l'article 19.2 et, surtout, à l'article 19.3, parce qu'ils traitent de la mission du Comité de la régie interne que Son Honneur notre Président préside, en plus de présider la Chambre. Toutefois, il ne s'agit pas d'une structure qui est fixe. Il y a beaucoup d'antécédents où on a vu des Présidents du Sénat qui n'étaient pas présidents du Comité de la régie interne. Je crois qu'il faut tenir compte de cela dans la révision de cette motion.
Cependant, la Loi sur le Parlement du Canada, à l'article 19.3, précise ce qui suit :
19.3 Sous réserve du paragraphe 19.1(4), le comité peut s'occuper des questions financières et administratives intéressant :
a) le Sénat, ses locaux, ses services et son personnel;
b) les sénateurs.
(1600)
Essentiellement, c'est le Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration qui est responsable de l'administration financière des locaux, y compris de la sécurité. Si je ne me trompe pas, la Régie interne du Sénat a confié à certains de nos sénateurs, qui ont une expertise dans le domaine de la sécurité, la mission d'étudier la question et de lui présenter les recommandations appropriées. Jusqu'à maintenant, le Comité de la régie interne n'a pas reçu ces recommandations. Cette motion est insultante pour les personnes qui ont reçu une mission précise à ce chapitre.
On allègue dans la motion un fait non avéré, à savoir que l'attaque de 22 octobre 2014 était de nature terroriste. Il s'agissait d'un acte perpétré par une personne qui avait, certes, des problèmes de comportement sérieux, on en convient, mais il ne s'agissait pas d'un acte terroriste commis par l'État islamique ou d'autres groupes.
La motion, on le constate dès le début, est basée sur de fausses prémisses, d'autant plus, honorables sénateurs, que nous attendons, de la part du Comité de la régie interne, une analyse complète de la Police provinciale de l'Ontario sur cet événement.
Je considère que le Sénat est très bien servi par son service de sécurité actuel. Bien entendu, comme dans toute organisation, on pourrait faire mieux, mais il ne faut pas mettre la charrue devant les bœufs, comme le fait cette motion, cette directive du cabinet du premier ministre, qui nous enlève nos privilèges et nos responsabilités face à cet établissement. Cette responsabilité est inscrite dans la Constitution et dans la Loi du Parlement. Je ne siège pas au Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, mais cette motion dont nous sommes saisis représente un abus de pouvoir qui ne respecte pas nos comités et leurs responsabilités distinctes.
Honorables sénateurs, vous en conviendrez, il n'y a pas si longtemps, nous avons adopté une motion qui ouvrait grandes les portes. Plusieurs d'entre nous ont perdu des privilèges, ce que j'appelle mes responsabilités de parlementaire en ce qui concerne le secret auquel je suis liée en ce qui a trait aux citoyens de ma région. Il ne faudrait pas, une seconde fois, que cette institution adopte une motion irrecevable pour faire plaisir à une certaine entité qui ne répond pas à cette institution. Merci.
Son Honneur le Président : Sénateur Carignan, voudriez-vous ajouter un éclaircissement à une question qui a été soulevée?
Le sénateur Carignan : C'est surtout un complément d'information. On dit que la directive provient du cabinet du premier ministre. Je veux simplement rappeler que, le 16 mai 2012, le Comité de la régie interne a adopté une résolution, dont je voudrais vous lire un passage :
Que le sous-comité de la sécurité et des locaux soit élargi de trois à cinq membres;
Qu'il soit formé des membres suivants : les honorables sénateurs Stratton (président), Tkachuk, Furey, Di Nino et Downe;
Que le sous-comité discute avec la Chambre des communes de l'établissement d'un seul service de sécurité pour le Parlement, qui respectera les principes suivants :
a) que le nouveau service regroupe des membres de la GRC, du Sénat et de la Chambre des communes et fournisse des services de sécurité dans tous les édifices du Parlement, y compris sur les terrains de la Colline du Parlement;
b) que le service de protection du premier ministre ait pleinement accès à la Cité parlementaire;
c) que les deux Chambres aient également voix au chapitre pour la gestion et le fonctionnement du service de sécurité;
Qu'un groupe de travail consultatif soit formé pour fournir de l'aide au sous-comité et qu'il soit composé des membres suivants : les honorables sénateurs White (président), Campbell et Dagenais.
C'est exactement ce que dit la motion, sauf que trois ans se sont écoulés et que cela n'a pas bougé. La motion précise que, si on n'a pas donné suite à la demande du Comité de la régie interne, il faut s'assurer que les deux Chambres expriment leur opinion pour s'orienter en fonction de la recommandation formulée par le comité le 16 mai 2012.
[Traduction]
L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je souhaite intervenir dans le débat sur le rappel au Règlement que le sénateur Cowan a soulevé. À titre de membre du Comité de la régie interne, je m'irrite de la démarche entreprise pour modifier le régime de sécurité sur la Colline du Parlement et elle me met très mal à l'aise.
Comme le sénateur Carignan l'a rappelé, le Comité de la régie interne a mis sur pied un sous-comité de la sécurité sur la Colline et l'a chargé d'étudier cette question. Cependant, le sous-comité n'a fait rapport ni au Comité de la régie interne ni au Sénat dans son ensemble et voici que j'ai lu dans le journal, le 5 février, que la GRC dirigerait la sécurité sur la Colline du Parlement. J'ai pris connaissance de cette information avant la séance du Comité de la régie interne, au cours de la même matinée. J'ai donc appris cette information dans le journal plutôt qu'au Comité de la régie interne, ce qui aurait été plus normal. Le sous-comité relevait du Comité de la régie interne et aurait dû lui faire rapport. Je ne devrais pas apprendre dans le journal que, tout à coup, tout le dispositif de sécurité sera modifié.
Cet après-midi-là, le 5 février, le leader du gouvernement au Sénat a donné avis de la motion que nous avons sous les yeux.
À mon avis, la motion témoigne d'un manque de respect à l'endroit du Comité de la régie interne, du Parlement et, assurément, du Sénat dans son ensemble. Je tiens à remercier le sénateur Cowan d'avoir soulevé ce rappel au Règlement. À mon avis, la motion sacrifie le privilège du Parlement. Elle n'est pas un moyen acceptable de modifier un élément de cette importance.
L'honorable Serge Joyal : Nous devrions essayer de bien comprendre la démarche qui nous est proposée dans la motion. Je suis d'accord avec le sénateur Carignan : l'objectif est essentiellement d'améliorer la sécurité sur la Colline. En améliorant la sécurité, nous protégerons notre obligation parlementaire d'exercer librement notre responsabilité, et c'est l'objectif que nous visons tous. Je ne crois pas que quiconque conteste ce point de vue. Au contraire, comme des sénateurs l'ont signalé dans un grand nombre d'interventions, beaucoup de rapports ont préconisé ou proposé cette solution par le passé.
Je citerai le rapport que le vérificateur général a publié en 2012. Il s'agit du paragraphe 73 :
Une prochaine étape pourrait consister à regrouper les forces de sécurité de la Colline du Parlement sous un seul commandement, ce qui permettrait des interventions plus efficientes et plus efficaces.Voilà ce que disait le rapport, mais, soyons clairs, il ne parlait pas de la GRC. Le vérificateur général parle d'un commandement unique. Il se peut que la responsabilité soit confiée à la GRC, mais ce pourrait aussi être un autre groupe. Ni ce rapport ni aucun des rapports que j'ai consultés ne recommande de choisir la GRC.
Voici le deuxième. Il s'agit de l'observation de l'administration au sujet de cette recommandation. C'est la réponse de l'administration.
Elle se trouve au paragraphe 78 :
Recommandation acceptée. L'Administration de la Chambre élaborera une politique globale en matière de sécurité ainsi que des objectifs stratégiques et des indicateurs de rendement connexes. On prévoit mettre ces éléments en place d'ici 2015.
(1610)
Cela se trouve à la page 27 du rapport.
De quoi sommes-nous saisis aujourd'hui? Nous sommes saisis d'une motion qui invite la Gendarmerie royale du Canada à « diriger la sécurité opérationnelle partout à l'intérieur de la Cité parlementaire et sur le terrain de la colline parlementaire ». C'est là l'essentiel de la décision que l'on nous demande de prendre. Je le répète. Elle consiste à inviter la GRC à « diriger la sécurité opérationnelle partout à l'intérieur de la Cité parlementaire et sur le terrain de la colline parlementaire ».
Que faisons-nous? Nous nous servons d'une simple motion pour nous priver d'un de nos privilèges parlementaires au profit de la GRC, qui serait désormais le principal organisme de sécurité opérationnelle. Autrement dit, lorsque nous aurons adopté la motion, la GRC deviendra le seul maître à bord. Pour moi, c'est une évidence. C'est essentiellement ce que nous souhaitons. Nous voulons unifier nos services et les rendre plus efficaces. Nous aspirons probablement à un plus grand professionnalisme. Comme les sénateurs l'ont mentionné, nous voulons éliminer le travail en vase clos et avoir une chaîne de commandement unique. Cependant, en agissant ainsi, nous perdons le contrôle de notre sécurité, et nous confions cette responsabilité à la GRC.
L'article 5 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, à laquelle la GRC est assujettie, se lit comme suit :
Le gouverneur en conseil peut nommer, à titre amovible, un officier appelé commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, qui,...
— et j'insiste sur ce qui suit —
... sous la direction du ministre, a pleine autorité sur la Gendarmerie et tout ce qui s'y rapporte.
De quel ministre est-il question? D'après l'article 2 de la loi :
« ministre » Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.
Que sommes-nous en train de faire? Nous prenons la responsabilité que nous avons de diriger nos affaires dans la Cité parlementaire et nous la confions à la GRC. Or, en vertu de sa loi constituante, à qui la GRC doit-elle rendre des comptes? Au ministre de la Sécurité publique. Et qui est le ministre de la Sécurité publique? Il fait partie de l'exécutif, du gouvernement du Canada. Et qui forme l'exécutif, le gouvernement du Canada? C'est le Cabinet et, ultimement, le premier ministre.
Je ne dis pas que nous ne devrions pas prendre cette mesure. Ce que je dis, c'est que si nous le faisons, nous devons nous assurer de le faire correctement d'un point de vue juridique. Pouvons-nous le faire simplement en adoptant une motion? Pouvons-nous renoncer au privilège que nous avons maintenant de contrôler la Cité parlementaire et le céder à un ministre? C'est essentiellement ce qui se produirait : ce privilège serait assumé par un ministre. Si nous faisons cela, et si nous pensons que c'est la chose à faire, nous devons le faire dans la légalité. Nous devons faire les choses correctement.
La question qui se pose est donc celle-ci : pouvons-nous abolir le privilège que nous détenons relativement à la sécurité au moyen d'une simple motion? La Loi sur le Parlement du Canada précise très clairement de quelle façon la Cité parlementaire doit être administrée. Si nous décidons d'abolir un privilège, la question qui se pose est celle de savoir comment nous pouvons le faire. Par exemple, qu'en est-il de notre liberté de parole dans cette enceinte? Il s'agit d'un privilège garanti par la Déclaration des droits. Nous jouissons de la liberté de parole ici, tant que nous sommes dans cette enceinte. Nous sommes tous libres de dire ce que nous voulons ici. Personne ne peut intenter de poursuites en raison de propos tenus par l'un d'entre nous.
Pouvons-nous aujourd'hui, au moyen d'une simple motion, décider d'abolir ce privilège? C'est une question très importante.
Si nous optons pour l'approche proposée par le gouvernement, qui consiste à prendre la responsabilité que nous détenons en matière de sécurité et à la confier à un organisme gouvernemental qui rend des comptes à un ministre — qui doit notamment expliquer au ministre les budgets, les orientations, les préparatifs et les répercussions sur les autres ressources de la GRC —, il est facile d'imaginer toutes sortes de conséquences découlant de cette situation. Pouvons-nous prendre une telle mesure au moyen d'une simple motion? C'est la question que soulève cette motion.
Je ne dis pas que ce n'est pas ce que nous devrions faire, mais je me pose la question : une motion est-elle le meilleur outil que nous ayons à notre disposition? Devrions-nous nous assurer qu'au moment de céder notre privilège de contrôle sur la sécurité, nous le fassions conformément à la Loi sur le Parlement du Canada et en respectant la responsabilité que nous déléguons aux comités qui font rapport au Sénat? Nous exerçons un contrôle sur les recommandations des comités et les décisions que nous prenons relèvent toujours de notre contrôle exclusif.
Dorénavant, nous ne serons plus les seuls à exercer un contrôle sur les décisions qui seront prises. Dans le cas de la GRC, le contrôle sera ultimement exercé par le ministre de la Sécurité publique — quel qu'il soit —, c'est-à-dire par un membre du Cabinet qui relève de l'autorité d'un premier ministre, quel que soit le titulaire. Telle est la portée de cette motion.
J'étais ici le 22 octobre, lorsque les événements sont survenus. Le lendemain matin, nous avons eu une réunion dans la salle 160. Je m'en souviens très bien. Ma première question a été : « Qui est responsable de la sécurité au Sénat? » Je me suis posé cette question. Je crains autant pour ma vie que toute autre personne. Ce que nous demandons aujourd'hui, c'est de jouir d'une plus grande sécurité et d'avoir la conviction que nous travaillons, comme l'a mentionné le sénateur Carignan, sans pression indue et sans craindre de risquer notre vie lorsque nous venons ici.
C'est essentiellement de cela qu'il s'agit. Je veux m'assurer que nous fassions les choses correctement. Si nous devons renoncer à ce privilège et laisser un ministre assumer cette responsabilité, nous devons être certains de ce que nous faisons et nous devons agir de la façon appropriée, en respectant la Constitution et la façon dont nous pouvons modifier ou abolir un privilège parlementaire, conformément au droit et aux traditions parlementaires. C'est essentiellement l'aspect soulevé par cette question.
C'est un point important parce que nous nous trouvons dans un contexte en pleine évolution. Lorsque nos privilèges sont en jeu, nous devons absolument connaître les répercussions futures des décisions que nous prenons. Nous avons voté sur une motion qui touche nos privilèges et je ne suis pas certaine que nous ayons été très conscients des répercussions de cette motion. Aujourd'hui, nous sommes aux prises avec cette motion. Nous en débattrons un autre jour.
Dans le cas de la motion dont nous discutons, si nous prenons une décision qui aura des répercussions futures sur un élément fondamental de nos privilèges et sur le contrôle que nous exerçons dans la Cité parlementaire, nous devrions le faire en respectant pleinement la loi du Parlement. De cette façon, personne ne doutera du résultat final et nous saurons au moins que nous agissons correctement, d'une façon que nous comprenons et que nous contrôlons très bien. Si nous sommes prêts à renoncer à ce contrôle et à le confier à une autre autorité, nous le ferons en étant pleinement conscients des répercussions futures. Cela vaut autant pour le Président et la personne qui siégera dans ce fauteuil que pour nos successeurs au Sénat, parce que la décision que nous prenons aujourd'hui relativement à la motion aura des répercussions sur de nombreux autres aspects de nos travaux futurs.
(1620)
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Après avoir écouté les interventions de mes honorables collègues, je me demande, dans le contexte du recours au Règlement concernant cette motion, si certains ont l'impression qu'une règle ou une coutume du Sénat a été incorrectement appliquée ou n'a pas été respectée au cours des délibérations. Le leader avait donné préavis de la motion, et nous abordons le stade du débat. Beaucoup des interventions d'aujourd'hui semblaient examiner ou contester la valeur de la motion. Or nous n'avons pas encore commencé le débat.
Selon mon interprétation, la motion, dans sa forme actuelle, découle d'un besoin issu de ce qui s'est produit le 22 octobre dernier. Nous devons changer le statu quo. Nous avons pris connaissance de certains rapports. Le texte précise que c'est par respect pour l'ensemble des groupes de sécurité existants. Si nous voulons pouvoir affronter efficacement la prochaine situation d'urgence, il nous faut envisager de nouvelles mesures. Cette motion propose une de ces mesures. Je n'y vois aucune contradiction. Je crois que nous témoignons clairement du respect que nous éprouvons et que nous avons expliqué les raisons pour lesquelles nous examinons la motion en ce moment.
Les interventions de certains de nos honorables collègues portaient directement sur la valeur de la motion. Toutefois, pour répondre à la question de privilège, je dirais que c'est une motion dont les sénateurs sont dûment saisis. Notre leader n'a pas encore pris la parole à son sujet. Je crois qu'il est important d'écouter le point de vue des deux côtés sur l'opportunité de l'adopter.
Votre Honneur, je veux simplement signaler que certaines des interventions semblent porter sur la motion elle-même plutôt que sur le recours au Règlement.
Le sénateur Cowan : Permettez-moi de préciser un point qui ressort de l'intervention de la sénatrice Martin. Mon recours au Règlement ne porte pas sur l'opportunité de faire intervenir la GRC dans la supervision ou le contrôle de la Cité parlementaire, de notre sécurité, etc. Elle porte plutôt sur le fait qu'à mon avis, l'article 19 de la Loi sur le Parlement du Canada confère directement certains pouvoirs à un comité du Sénat. Si nous souhaitons modifier la Loi sur le Parlement du Canada à cet égard, pour dire que les pouvoirs sont conférés non pas au Comité de la régie interne, mais à un autre organisme, nous sommes sûrement habilités à le faire. La question de savoir s'il est sage d'agir ainsi est discutable, mais c'est ainsi que nous devrions procéder. J'invoque donc le Règlement pour suggérer à Son Honneur qu'il ne convient pas d'essayer d'atteindre ce but au moyen d'une motion du Sénat. Nous ne pouvons pas recourir à une motion pour modifier une loi.
Le sénateur Joyal a mentionné un autre problème découlant de la Loi sur la GRC : même si nous le souhaitions, même si la GRC voulait bien relever des Présidents des deux Chambres, elle ne pourrait pas le faire puisque, d'après la loi, elle relève du ministre de la Sécurité publique. Si nous voulons dire que, dans le cadre de ses activités au sein de la Cité parlementaire, la GRC relève des Présidents des deux Chambres, nous pouvons le faire. Encore une fois, nous pourrons discuter à un autre moment de l'opportunité d'une telle mesure. Quoi qu'il en soit, j'estime que cela ne peut pas se faire au moyen d'une motion adoptée par le Sénat et par nos collègues de l'autre endroit. Il faudrait plutôt modifier la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada ainsi que la Loi sur le Parlement du Canada.
Je ne cherchais pas à savoir s'il convient de prendre l'une ou l'autre de ces mesures; je faisais simplement remarquer que si nous voulons le faire, nous devons respecter la loi.
Son Honneur le Président : Compte tenu de l'importance de la question, il ne fait aucun doute que ce rappel au Règlement donne matière à réflexion. Le temps presse. Je vais faire rapport à la Chambre dès que possible, avec un peu de chance avant la fin de la semaine. Je dois trancher sur bien des termes dans la motion. Sont-ils appropriés? À titre d'exemple, nous avons « tout en respectant les privilèges, immunités et pouvoirs de chaque Chambre ». Qu'est-ce que cela signifie vraiment? Nous devons éclaircir ce point et nous pourrons ensuite débattre de la motion. Je vais prendre le rappel au Règlement en délibéré, suspendre la discussion sur la motion et revenir à la Chambre dès que possible. Nous serons ensuite en mesure de voter sur la motion en tant que telle. Merci beaucoup à toutes les personnes qui ont participé à la discussion. Elle a été très intéressante. Pour une fois, c'est nous, et non les médias, qui l'avons motivée. Merci beaucoup.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je tiens à attirer votre attention sur la présence à la tribune de M. Phill Snel, de Mme Annette Borger-Snel, de Mme Audrey Snel et de M. G. W. (Bill) Fridgen. Ils sont les invités de la sénatrice Nancy Ruth. Au nom des tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
La Loi sur le divorce
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Cools, appuyée par l'honorable sénateur Segal, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-216, Loi modifiant la Loi sur le divorce (plans parentaux).
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, cet article en est à son 15e jour. J'aimerais ajourner le débat pour le reste de mon temps de parole.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
Règlement, procédure et droits du Parlement
Motion tendant à autoriser le comité à examiner des changements au Règlement et aux pratiques du Sénat pour faire en sorte que les délibérations du Sénat concernant les mesures disciplinaires à l'endroit des sénateurs et d'autres personnes respectent l'application régulière de la loi—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice McCoy, appuyée par l'honorable sénateur Rivest,
Que le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement soit autorisé à examiner, afin d'en faire rapport, des changements au Règlement et aux pratiques du Sénat qui, tout en reconnaissant l'indépendance des organes parlementaires, feront en sorte que les délibérations du Sénat concernant les mesures disciplinaires à l'endroit des sénateurs et d'autres personnes respectent l'application régulière de la loi et tiennent compte, de façon générale, des autres droits, notamment ceux garantis par la Déclaration canadienne des droits et la Charte canadienne des droits et libertés;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 30 novembre 2014.
L'honorable Stephen Greene : Je demande que le débat soit ajourné à mon nom.
(Sur la motion du sénateur Greene, le débat est ajourné.)
(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mercredi 18 février 2015, à 13 h 30.)